Des bavardages triés et mis en « livre », voici l’excellente idée des trois auteurs, le psychiatre Christophe André, le philosophe Alexandre Jollien et le moine bouddhiste Mathieu Ricard.
Des conversations au coin du feu et le plaisir d’être ensemble n’a rien enlevé à leurs réflexions de fond. Ils ont échangé sur des thèmes aussi variés que l’égo, l’écoute, la souffrance, l’altruisme, le pardon ou la liberté…
Ce petit groupe fraternel, complice et complémentaire nous inclut à sa réflexion, attise nos propres émotions, nos propres opinions.
Les trois compères ont des avis tout en nuances. Leurs paroles sont là pour s’enrichir les unes les autres. Aucun n’a tort ou raison, le lecteur lui-même apportera sa touche personnelle….
La sagesse consiste à s’écouter, à s’imprégner de l’opinion, de l’analyse d’autrui et à grandir dans sa réflexion, ses actions, sa philosophie de vie.
Mathieu Richard nous dit que tendre vers la sagesse, c’est développer et offrir ses compétences de cœur à l’autre, c’est trouver au fond soi ce qui est essentiel pour de vrai et non pas répondre aux dictats de la consommation en répondant à de fausses envies.
Stéphane Jollien exprime avec une grande force combien la sagesse est un regard qui transperce les apparences.
Christophe André se définit comme un solitaire sociable, il nous livre « ses imperfections » comme il nomme ses propres angoisses. C’est un travail au long cours sur lui-même qui l’aide à aider ses patients et ses lecteurs et à tendre vers plus de sagesse.
Ce livre est empreint de spiritualité bouddhiste illustrée par Mathieu Ricard mais pas que, Alexandre Jollien fait souvent référence au catholicisme et à la philosophie alors que Chrsitophe André nous éclaire sur la psychologie humaine et les traumatismes. Les trois hommes nous ouvrent à l’humanité, aux idées, à l’analyse, aux savoirs être, à l’amour et nous montrent la voie pour tendre vers la sagesse.
C’est avec un crayon de papier en main que j’ai savouré ce bouquin. Ce fût une lecture lente où j’ai souligné annoté le papier, où je suis revenue sur les notions qui me parlaient ou me questionnaient en tant que soignante et à titre plus personnel.
Pour chaque chapitre, j’ai retenu quelques phrases
que je vous offre.
1) Quelles sont nos aspirations les plus profondes ?
Progresser sans être ligoter au but, voici le défi. MR
2) L’ego, ami ou imposteur
C’est le regard des autres qui conditionne la qualité du regard qu’on croit porter sur nous-même et qui reflète en réalité, la manière dont on se voit dans les yeux des autres. CA
L’ego est une mystification dont l’auteur est notre propre esprit. MR
3) Apprendre à vivre avec nos émotions
Il existe en l’homme une partie qui reste indemne (malgré la souffrance). Une joie sans pourquoi est possible au cœur de la tourmente, toute de suite. AJ
Laissez passer une émotion qui si nous ne l’alimentons pas, s’épuise d’elle-même. AJ
Rechercher toujours du plaisir conduit rarement au bonheur. En revanche, on peut cultiver une satisfaction intérieure procurant une plénitude profonde et durable. MR
En pensant à quelqu’un qui nous est cher, on est envahi par l’amour et une bienveillance inconditionnelle. MR
4) L’art de l’écoute
L’écoute, on donne et l’on reçoit. C’est une démarche d’humilité ou autrui passe avant soi.
C’est le respect de la parole d’autrui, le lâcher-prise et la capacité à se laissé toucher. CA
Écouter c’est oser ne plus avoir de réponses toutes faite. AJ
Prier, méditer c’est renoncer à parler tout le temps (la diète des mots). AJ
Sculpture Henri de Miller
5) Le corps boulet ou idole ?
Il est vivant et cette vie, bien que fragile et éphémère offre jusqu’au bout la possibilité, même infime de cheminer vers l’éveil. AJ
Respecter notre corps fait du bien à notre esprit. CA
6) Aux origines de la souffrance
L’inverse de la souffrance n’est pas la jouissance car quand on souffre on veut juste ne plus souffrir.
L’opposé de la souffrance est donc la paix. CA
Regarder sincèrement en soi et faire l’inventaire de ce qui contribue vraiment au bien être ou ce qui cause la souffrance. MR
Pour trouver une paix intérieure, on ne peut pas dépendre de l’opinion des autres et de l’image qu’ils ont de nous. MR
La compréhension de l’interdépendance et du fait qu’on n’est pas les seuls à souffrir. On sort de l’égocentrisme. MR
Etre présent avec amour et bienveillance ne peut faire que du bien à la personne qu’on désespère de pouvoir aider. AJ
Accepter ce n’est pas baisser les bras, mais au contraire prendre appui sur ce qui est, sur ce que je peux changer pour avancer. AJ
Aimer l’autre et être aimé de lui sans avoir à rendre de compte de qui nous sommes au fond. AJ
7) La cohérence : une question de fidélité
Etre fidèle à mes valeurs, c’est ne pas faire de mal à ceux qui me sollicitent mais c’est aussi ne pas faire de mal à moi-même. CA
L’homme vraiment libre est celui qui peut refuser sans trouver de prétexte. CA
8) L’altruisme : tout le monde y gagne
Définitions :
- L’altruisme, c’est l’intention de faire du bien aux autres.
- La compassion : c’est la forme que prend l’altruisme.
- L’empathie :
- Affective : rentrer en résonnance émotionnelle. Elle nous alerte des sentiments d’autrui.
- Cognitive : imaginer ce que ressent l’autre sans le ressentir soit même.
Nourrir un authentique goût de l’autre. AJ
Donner ce que nous n’avons pas reçu, là réside une des grandeurs humaines. AJ
S’engager avec les moyens et les forces du jour. AJ
On peut transformer nos traits de caractère en entrainant notre esprit. MR
La seule façon d’être vrai, c’est d’être bon. MR
Lorsque je souffre, je ne suis ni seul ; ni isolé ; ni anormal ; juste dans une humanité partagée.CA
9) L’école de la simplicité
Le matériel ne saurait combler les aspirations qui habitent le fon de de notre cœur. AJ
L’attachement complique la vie. MR
Le vrai riche est celui qui n’est pas avide du superflu. MR
La douleur de vivre - Helena Wierzbicki
10) La culpabilité et le pardon
Dans la culpabilité, je décèle une sorte d’intériorisation du regard de l’autre. AJ
Penser que nous avons la possibilité de faire venir à la surface le meilleur de nous-même. MR
Réflexion ou rumination ? Les trois questions de CA
- Est-ce que ça m’a aidé à trouver une solution ?
- Si je n’ai pas trouvé de solution, est ce que c’est un peu plus clair ?
- Si je n’ai trouvé aucune solution et aucune éclaircie, est ce que cela m’a soulagé ?
- Si vous répondez non aux trois questions vous êtes en train de ruminer.
Demander pardon ne veut pas dire qu’on soit le seul coupable, c’est la reconnaissance du mal causé et le souhait que l’autre accepte le pardon. CA
Pardonner ne signifie pas l’oubli et la négation du mal, c’est un acte d’affranchissement du ressentiment. MR
Il est important de dissocier la personne de ses actes. MR
11) La vrai liberté
La vraie liberté consiste à maitriser son esprit plutôt que de le laisser dériver au gré des pensées. MR
Toujours penser liberté et responsabilité. CA
Quelle est la finalité du comportement pour lequel je réclame la liberté (plaisir personnel ou de l’ordre du bien commun ?) CA
12) le dernier chapitre est celui des pratiques quotidiennes
L’ouvrage entier est source d’exemples de vie pour faire grandir et prospérer l’altruisme. Ce livre peut selon moi resté à portée de main pour y puiser des forces et du réconfort.
Je terminerais ce long billet sur une magnifique parole de la mère de Mathieu Ricard.
Nous sommes éternels à chaque instant