Publié le 22 Juillet 2017

C'était la photo parfaite

La brasserie était en pleine effervescence en ce dimanche d’été. Pénélope y pénétra joyeusement entourée de tous les siens. Le serveur les conduisit à l’étage sous la voûte de mosaïques en lapis-lazuli. Elle adorait ce cadre art déco et cette ambiance décontractée-chic où elle se sentait à l’aise.
Nicolas tira galamment la chaise de son épouse et la gratifia d’un si madame veut bien se donner la peine qui fit sourire les convives.
Le repas démarra sur le ton de la bonne humeur et elle se dit qu’il était agréable de temps à autre d’être mise à l’honneur.
Les plats se succèdent délicieux et raffinés, Nicolas prenait son rôle très au sérieux en remplissant les verres et en faisant résonner la salle de son rire inimitable.
En face d’eux, leurs filles magnifiques dans leurs petites robes colorées conversaient avec leurs cousins. La famille parla de tout et de rien et puis le père de Pénélope entama le couplet politique. La mère de la jeune femme lui fit instantanément les gros yeux et lui se renfrogna en disant que si ça n’intéressait personne, il n’avait plus qu’à se taire. La table gloussa de cette scène familière.
Garçon lança-t-il, pour se donner une contenance!
Pénélope, lui souffla que ça ne se faisait plus d’interpeller ainsi le serveur.
Comment veux-tu que je l’appelle répondit le vieil homme pas loin de bouder à nouveau?
Pour éviter un drame, son frère enchaîna sur quelques anecdotes. Elle prit un air faussement offusqué d’être à son tour sur la sellette mais en réalité, elle aimait entendre les histoires de sa naïveté.
Après déjeuner, ils entreprirent une partie de pétanque sous les platanes du parc. Nicolas s’apprêtait à pointer lorsqu’un couple de Japonais en villégiature dans la ville d’eaux les regarda curieux. Ils avaient l’air de se demander ce que faisaient ces femmes en talons et ces hommes en cravates avec des balles métalliques à la main. Nicolas s’appliqua à ne pas rater la boule. Un grand OH salua le carreau et lui se rengorgea de cette gloire éphémère.
La fin d’après-midi fut douce, on remonta tranquillement la galerie Napoléon en devisant gaiement. Pénélope était belle dans sa jupe en tweed rose, entourée de ses filles on aurait dit trois sœurs
Sa tante signala qu’elle ressemblait à Jacky Kennedy et ajouta sans rire que Nicolas était plutôt Giscard avec son crâne dégarni. Et lui qui n’en loupait pas une entonna un tonitruant bonsoi madam, bonsoir madmoisel, bonsoi messieur et fit claquer son index dans sa joue.
Le groupe se reforma pour charrier la tata, et toi tu serais la reine d’Angleterre lui dit un petit-cousin taquin.
Ils arrivèrent au pied de l’escalier majestueux de l’opéra tout blanc et posèrent sur les marches. Nicolas passa un bras protecteur autour de la taille de sa femme. Chacun pris place à leurs côtés, les grands derrière comme il se doit. Quelqu’un appuya alors sur le retardateur puis courut se placer dans un coin.
Les quarante ans bonheur de Pénélope s’imprimèrent à jamais sur cette photo parfaite.

 

Texte écrit dans le cadre du concours littéraire e-crire aufeminin 2016

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Publié le 19 Juillet 2017

Le terrain

C’était comme ça que nous appelions l’aire de sport située derrière le préau de l’école primaire. C’était un grand carré de pelouse et un terrain de basket avec en bordure une poutre métallique, un portique à agrès et une piste de saut en longueur.

Je devais avoir une douzaine d’années lorsque j’ai commencé à fréquenter ce lieu avec d’autres enfants de mon âge. Cet espace plus éloigné de la place du village était désormais plus conforme à nos années adolescentes.

Nous jouions au basket sur le terrain goudronné et la moindre bousculade  nous valaient des chutes qui nous éraflaient les cuisses et nous couronnaient les genoux. Nous adorions le ballon prisonnier, les matchs de foot et les parties de rugby où nous nous plaquions au sol et roulions dans l’herbe comme de jeunes chiots. Les plus habiles grimpaient aux barres du portique et faisaient le cochon pendu, les grands bêtas escaladaient les panneaux de basket. Le terrain servait également à faire du patin à roulettes.

Et puis, il y avait ces concours d’opposition que nous faisions sur la poutre verte. Face à face, il s’agissait de lutter avec les mains pour  faire tomber l’adversaire. Thierry, un grand du bourg dégommait un à un les plus petits et il resta longtemps invaincu jusqu’à ce que vint mon tour. Bien déterminée, je le poussais de toutes mes forces avant qu’il n’ait eu le temps de reprendre son souffle et à mon grand étonnement, il tomba, il tomba et se cassa le bras.

Et oui, nos jeux d’enfants pouvaient être dangereux !

Deux ans plus tard, lorsque l’été revint, les garçons avaient troqué leurs bicyclettes contre des scooters qu’ils faisaient pétarader pour nous épater.

Aujourd’hui encore, lorsque je vois des jeunes gens cabrer leur engin et que je sens l’odeur de « mobylette », les souvenirs de mes quatorze ans refluent dans ma tête.

« Les filles, rendez-vous ce soir au terrain ! »

nous lançaient les Casanova en herbe.

Ce ne fut pas une mince affaire que de convaincre les parents d’aller un moment au terrain après dîner. Il fallut dire qui serait là, promettre de ne pas faire de bêtises et de renter à l’heure. Sitôt le dessert avalé, notre bande de jeunes aux cheveux longs et aux blues-jeans à paths d’éph se dirigeaient joyeusement vers le terrain. Quelles étaient douces nos soirées d’été. Une radio à la main, nous écoutions le hit-parade et reprenions en cœur Ti amo  d’Umberto Tozzi ou You're the one that I want de John Travolta.

Et puis sevrés d’activités, nous nous asseyions en cercle dans l'herbe chauffée par le soleil de la journée et nous refaisions le monde, gouttant à l’ivresse de cette toute jeune liberté.  

Souvent le silence nous rattrapait au fur et à mesure que le soleil déclinait. Le chant des grillons prenait alors toute la place, ils stridulaient invisibles dans le gazon coupé ras. Nous nous mettions à plat ventre pour les dénicher de leur trou ou cherchions quelques trèfles à quatre feuilles pour nous porter bonheur.

L’heure arrivait toujours trop vite mais nous savions que pour revenir demain, il fallait rentrer sans barguigner !

Bonne nuit les copains !

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Publié dans #Quand j'étais petite

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