Je rentre à l'école en 1969 dans la classe enfantine de Mme Martin et comme l'école est à deux pas de la maison je m'y rends seule en prenant au passage ma copine Catherine.
En ce jour de rentrée, nous nous regroupons avec les autres petites filles devant la barrière verte de l'école élémentaire en attendant que le directeur donne l'autorisation d'entrer. Nous portons toutes des tabliers en nylon et des cartables en plastiques colorés. Les unes ont des nattes ou des couettes et les autres tout comme moi une petite coupe au carré qui me fait une bouille toute ronde et un air espiègle.
La maîtresse tape dans ses mains, nous devons nous mettre en rangs devant la porte d'entée puis nous entrons en silence et en ordre, la classe enfantine et le cours préparatoire en premier, les cours élémentaires en second et enfin les cours moyens. Dans le long couloir vitré, bordé de porte-manteaux d'un côté et de lavabos de l'autre, nous nous déchaussons et enfilons des pantoufles pour ne pas salir le parquet ciré.
Nous voilà de petits écoliers, bien droits derrières nos tables en bois avec trous d'encriers (devenus inutiles) et cases profondes. Sur la haute estrade, le bureau de Mme Martin et le grand tableau noir. Le long du tableau des lettres associés à des dessins. Sur le rebord de la fenêtre un gros boulier, au mur des cartes de géographie, de sciences ou d'histoire. Au fond des petits livres illustrés, des perles, de la pâte à modeler et des jeux étalés sur une grande table.
Chaque matin, la maîtresse sort un grand cahier et fait l'appel puis c'est la leçon de morale. Viens ensuite la distribution des cahiers recouverts de protèges cahiers aux motifs géométriques. Nous disposons aussi d’un crayon de papier, d’une pochette de crayons de couleur et d’un livre de lecture.
Que de trésors à ranger dans la case puis dans le cartable
La maîtresse nous demande d’ouvrir le cahier rouge à la première page. Elle y a inscrit notre nom, notre date de naissance, notre classe et l’année scolaire 1969 – 1970. A la page suivante je reconnais mon prénom tracé en pointillés. Chacun à notre tour, nous devons répéter nos prénoms avant de le repasser au crayon de couleur sur notre cahier.
Plus tard, la maîtresse s’occupe des grands et nous autorise à ouvrir notre livre de lecture. Elle nous apprend qu’il s’intitule « Je veux lire ». A l’intérieur nous faisons connaissance avec trois enfants « Cécile, Gilberte et Georges », ce sont les nouveaux amis qui vont nous suivre deux années durant dans ce parcours de l'apprentissage de la lecture.
Sur le bureau de la maîtresse, il y a un truc qui m’intrigue depuis le premier jour. C’est comme un moulin à café transparent avec une manivelle. Je me demande bien à quoi ça sert. Je suis rapidement fixée quand un grand du CP signale que sa mine de crayon a cassé. La maîtresse introduit le crayon dans l’appareil et tourne la manivelle. La boite transparente se remplit de taillures en spirale. Nous observons la scène bouche ouverte de cette découverte extraordinaire.
Chaque exercice est gratifié ou sanctionné d'une lettre en rouge. Les Bien et Très bien donnent droit à des bons points. Chaque samedi matin, la maîtresse compte nos bons points et en échange dix contre une image que nous ramenons fièrement à la maison.
A la récré, nous allons faire pipi dans les cabinets du préau, nous n'avons pas le droit de sortir avant, si un élève demande, la maîtresse lui signale qu'il doit prendre ses précautions avant de rentrer en classe. J'aime pas du tout les cabinets, il faut s’accroupir au dessus d'un trou à la turc dépourvu de chasse d'eau. Un jour, j'ai glissé et je suis tombée le pied dans le trou. Chaque soir, la dame qui fait le ménage nettoie au jet d'eau. Ça sent pas bon là dedans et entre copines nous devons nous tenir la porte pour éviter que les garçons regardent par dessous. Les maîtres eux ont un vrai WC avec une grande porte mais nous nous n'avons pas le droit d'y aller.
Dans la cour nous jouons à la marelle, à la corde, à l'élastique, à la balle au mur. Nous faisons aussi des rondes : Sur le pont du Nord, Le fermier dans son pré, Enfilons l'aiguille, Passez pompon...Quand il fait beau nous allons sur l'herbe chercher des grillons et l'hiver nous fabriquons des bonhommes de neige ou des igloos. Nous récupérons aussi des bouts de tuiles ou de craies pour tracer des maisons au sol et jouer au papa et à la maman. Et nous courons tout le temps pour jouer au loup, à la délo, aux gendarmes et aux voleurs, à Tarzan...
Pour reprendre des forces, nous mangeons des chocos BN que nos mamans ont soigneusement plié dans un morceau de papier alu ou alors nous aspirons un tube de lait concentré Nestlé.
Au printemps, l'un ou l'autre apporte un beau bouquet à la maîtresse. Elle le pose sur son bureau ou le bord de la fenêtre. Le petit écolier reçoit alors un grand sourire en remerciement.
Dans ma classe, il y a le fils de la maîtresse et je suis très intriguée qu'il vouvoie sa mère et l'appelle madame comme nous autres.
Un beau matin, on nous distribue des timbres à vendre contre la tuberculose et le soir venu j'ai vendu tout mon carnet à la maison car ma tata Marie a été soignée en sana.
Le dernier jour de l'année, c'est le branle bas dans l'école et tous les élèves sont embauchés pour le grand nettoyage. Chaque enfant doit apporter un vieux chiffon et de la cire pour briquer les bureaux. J'aime toujours cette odeur de cire qui donne cette odeur de propre et de vacances.
Pour terminée l'année, la maîtresse nous remet notre cahier de vacances et un petit cadeau de friandises.
L'école est finie et nous voilà cavalant dans les rues du village en chantant à tue-tête : "vive les vacances, à bas les pénitences, les cahiers au feu et la maîtresse au milieu".
Et cet été, je vais partir pour la première fois en colonie de vacances.