Publié le 6 Novembre 2018

Au crépuscule, il largua les amarres

Le condamné à perpétuité fut déporté en Guyane.

Il n’avait rien à perdre,

Il s’évada au péril de sa vie mais il fut repris.

Au tribunal spécial il fut sévèrement jugé,

Il faut dire qu’il avait tué

Pour s’échapper du pénitencier.  

Il embarqua pour St Joseph

Les pieds et les mains entravés.

Sur la jetée, il regarda la mer,

Emplit ses poumons d’effluves salées.

Et puis il traîna ses chaines

Sur le chemin pavé en direction de la réclusion.

La lourde porte d’acier

Se referma en grinçant sur la noirceur de sa destinée.

La cellule cannibale n’en fit qu’une bouchée,

Elle mettra du temps à le digérer vivant.

Le plafond était une cage et lui un fauve dans la fosse.  

Sur une passerelle un porte-clés le guettait sans répit.

Chaque jour dans la pénombre,

Ses yeux s’entrouvraient sur son courage sombre.  

Affolé de tant de demains terrifiants,

Grelottant la nuit, étouffant le jour, il souffrait.

Interdiction de s’allonger dans la journée, le bas flanc était relevé.

Interdiction de fumer,

Interdiction de lire,

Interdiction d’écrire,

Interdiction de parler.       

SILENCE ABSOLU EN CES LIEUX

Il vivait au rythme de son souffle rapide.

Pour ne pas mourir, il tournait en rond, ses bras maigres ballants.

Sa seule liberté était sa pensée où il faisait défiler des images colorées.

Peu à peu son cerveau vacilla, Il devint fou à lier.

Et lui aussi criait comme les autres aliénés.

Il avait perdu toute dignité.

Il allait à la tinette, les gardiens au-dessus de sa tête,

Sortait la tête par le guichet, il n’était plus que poils à raser.

 Sous nutri de bouillon infâme,

Il se jetait sur son rata par la trappe.

Il perdit ses dents, pauvre hâve pantelant.

Squelette scorbutique, le vide avait fini par gagner son âme.

Les années passèrent sans regards, il devint hagard.

 Était-il encore humain dans la loque de son corps éteint ?

La mort un jour annonça son pronostic, après cinq années de cauchemar,

Il était temps de s’évader pour l’éternité.

La chaloupe des trépassés s’éloigna du rivage,

 Entre St Joseph et Royale son cadavre glissa dans les vagues.

Comme chaque soir la cloche de l’angélus

Appela les requins à faire ripailles.

Sa dépouille démantelée sombra alors dans l’onde tropicale.

Au crépuscule, la lune pleine s’éleva

Quand enfin libre, il largua les amarres.

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Mes poèmes, #Souffrance

Repost0