Sur la place du village

Publié le 8 Novembre 2016

Sur la place du village

La courette fut bientôt trop petite pour contenir nos jeux et nos galopades alors nous migrâmes sur la place qui jouxtait la maison.

En réalité, il y avait deux places, celle de devant avec ses immenses tilleuls qui encadraient la porte de l’église et celle de derrière qui dévoilait un panorama imprenable sur la rivière.  

Le samedi ou durant les vacances scolaires, la place était le point de rendez-vous de tous les copains du bourg. Ils arrivaient à pieds, à vélo, en patins à roulettes et quelques années plus tard en mobylette.

La place de devant était le domaine idéal pour jouer au foot, dessiner des marelles ou jouer à chat.

Celle de derrière était destinée aux exploits les plus téméraires: se hisser sur la croix, longer la grille qui surplombait les jardins, escalader les murs derrière l’église et le summum, emprunter l’échelle métallique qui grimpait au clocher. Oui, oui comme dans Le grand Chemin nous étions espiègles, insouciants, libres.

Nos jeunes imaginations étaient sans cesse en éveil pour inventer une aventure ou élaborer quelques bêtises.

Tapis dans un étroit passage sombre ente deux maisons, nous retenions notre souffle lors d’un jeu de cache-cache. A califourchon sur un muret, nous chevauchions à bride-abattue dans les grandes plaines de l’ouest en poussant des cris de peaux-rouges.

La plateforme de la bascule publique nous servait de balançoire. Avec nos pieds, nous secouions de droite à gauche les pauvres planches jusqu’à ce que le garde champêtre nous déloge en vociférant.

Cachés derrière le panneau d’affichage recouvert de lambeaux déchiquetés, nous observions les allers et venues des ménagères et suivions les espionnes en catimini avant de dévaler la grand-rue en braillant.

Une petite vieille édentée habitait une maisonnette aux abords de la place. Elle sortait à intervalles réguliers toute de noire vêtu avec son un fichu sur la tête. Elle descendait dans sa cave un seau à charbon à la main ou s’en allait dans son jardin, sa corbeille d’osier sur la hanche. Parfois elle pestait en levant son balai.

Vilains garnements, Zavez pas finis de faire la sarabande sous mes f’nêtres.

Et nous nous éparpillions en criant comme une volée de moineaux et revenions à peine avait-elle refermée sa porte.

Dans les temps calmes, un platane centenaire était l’objet de toute notre attention. Patiemment nous lui enlevions son écorce laissant cruellement couler sa sève. A moins que nous ne gravions nos initiales à l’opinel dans quelques cœurs transpercés.

Lorsque j’étais seule, l’une de mes occupations favorites consistait à faire le tour d’un des tilleuls. La base du gros tronc formait des entrelacs de racines noueuses et il ne fallait surtout pas mettre les pieds par terre sous peine d’être engloutie dans l’océan déchainé.

Il y avait aussi la mère Barthelemy qui gardait des assistés. Je ne comprenais pas bien ce que cela voulait dire et l’on m’expliqua que c’était des enfants placés par l’assistance publique car leurs parents ne pouvaient pas s’occuper d’eux.

Je fis connaissance de Pascale et de ses frères, des petits parisiens très gentils. Il se chuchotait qu’on les avait placés car leur père buvait. Le père, ce devait être ce monsieur en costume qui venait leur rendre visite une fois par mois. Il leur apportait des bonbons et repartait le soir venu.

 La mère Barthelemy n’était pas tendre avec Pascale. Elle n’avait jamais le droit de venir jouer avec les autres enfants et devait effectuer toutes sortes de corvées. On lui avait même confisqué ses jouets que l’on apercevait sur une étagère du garage. Qu’elle semblait malheureuse cette petite fille de mon âge! Et puis un jour, la fratrie est repartie et la mère Barthelemy prit sa retraite et quitta le village.

Quelques temps plus tard, l’on vit débarquer sur la place, une famille nombreuse. Nous devenions ados et ces nouveaux camarades vinrent rapidement enrichir nos jeux.   

Lorsque l’angélus carillonnait au clocher de l’église, c’était le signal du soir pour rentrer à la maison. Les genoux écorchés, les cheveux en bataille, les mains sales nous rentrions au bercail, rassasiés d’avoir joué tout notre soûl.   

A bientôt sur la place du village

L'échelle métallique de l'église

 

 

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Publié dans #Quand j'étais petite

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E
La place de mon village a été le décors de mes jeux d'enfants et d'ado. C'est un très joli article. Bonne journée
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Cc Stéphanie, la place de nos petits villages sont un peu le prolongement de nos maisons. <br /> Que de bons moments passés. Je suis heureuse que tu t'y retrouves.<br /> Belle journée malgré le temps maussade<br /> Bises<br /> Véro