quand j'etais petite

Publié le 22 Mars 2024

A la manière de Georges Perrec - Je me souviens
➢ Je me souviens des deux familles rivales dans Lucky Luke, l’une avait des grandes oreilles et l’autre des gros nez.
➢ Je me souviens de Milky-Way, la barre de chocolat mousse.
➢ Je me souviens que j’étais persuadée que les gendarmes pouvaient détecter mes bêtises à distance.
➢ Je me souviens que j’avais peur du bruit des feux d’artifice, des gros tracteurs et des vaches.
➢ Je me souviens de "T’as quel âge ?" dans le verre de la cantine.
➢ Je me souviens de On dirait du veau".
➢ Je me souviens de mon premier appareil photo Kodak et du flash cube.
➢ Je me souviens de "Manger la banane par les deux bouts".
➢ Je me souviens du chiffon et de la cire pour nettoyer les pupitres, le dernier jour de l’année scolaire.
➢ Je me souviens de "J’ai mal au cul, j’ai mal occupé ma jeunesse, à faire des cu, à faire des cu, à faire des culottes de draps, pour un vieux cu, pour un vieux cu, pour un vieux curé de campagne". Je n’ai jamais su la suite.
➢ Je me souviens de "Trois p’its chats, trois p’its chats, trois p’tis chat, chat, chat…"avec le jeu de mains associé.
➢ Je me souviens de la piste aux étoiles qu’on regardait chez ma grand-mère.
➢ Je me souviens des voisins qui allaient chercher le lait à la ferme avec leur pot au lait alors que nous on buvait du lait UHT.
➢ Je me souviens de la pâte de fruit ou de la barre de chocolat avec la tranche de pain du goûter de la colo.
➢ Je me souviens de Faire mailloche à la colo (chercher pas dans le dictionnaire).
➢ Je me souviens de l’ouvreuse au cinéma avec sa lampe, "Bonbons chocolats glacés".
➢ Je me souviens de l’hostie remplie de poudre et de la petite bouteille en chocolat remplie de liqueur.
➢ Je me souviens des porte-clés Butagaz avec l’ourson bleu.
➢ Je me souviens de la Balle au mur, "Partie simple sans bouger, sans rire, sans parler, d’une main de l’autre ".
➢ Je me souviens des jeux de couteaux dans le sable.
➢ Je me souviens qu’à Villard de Lans, il y avait le col de l’Arc, le col vert, la côte 2000 et une montagne en forme de baleine.
➢ Je me souviens du tronc en velours rouge avec un élastique dessous pour faire la quête.
➢ Je me souviens de l’appareil de radiographie chez le docteur.
➢ Je me souviens du cadeau Bonux (yoyo, pousse-pousse)
➢ Je me souviens de Petit papa Noël chanté par Roméo.
➢ Je me souviens de ma surprise lorsque Julien Clerc s’est mis avec Miou Miou et Nathalie Baye avec Johnny Halliday.
➢ Je me souviens de l’équipe des verts Rocheteau, Larquet, Battiston, Janvion…
A la manière de Georges Perrec - Je me souviens
➢ Je me souviens lorsqu’on appelait l’opératrice pour téléphoner.
➢ Je me souviens du Pipiol pour calmer les piqures d’insectes.
➢ Je me souviens des brigades du tigres et de la bande à Bonnot.

➢ Je me souviens d'un accouchement en direct la nuit de la st Sylvestre 1980.

➢ Je me souviens de mon tee-shirt publicitaire Outil Wolf rouge avec des pas jaunes.
➢ Je me souviens des pat d’eph.
➢ Je me souviens des sabots noirs.
➢ Je me souviens des barrettes en cuir et pique en bois.
➢ Je me souviens de "Clic clac Kodak".
➢ Je me souviens de la camionnette du boulanger qui klaxonnait au village.
➢ Je me souviens du prix d’un mars en 1970 : 1F.
➢ Je me souviens de l’eau précieuse contre l’acné et du parfum Eau jeune.
➢ Je me souviens du bac de l’île de Ré.
➢ Je me souviens de Dagobert le chien du club des cinq.
➢ Je me souviens de Top le chien de l’ile mystérieuse (c’est le nom qu’on avait donné à notre propre chien).
➢ Je me souviens du curé de Cucugnan.

➢ Je me souviens de "mais ou est donc or ni car (dans le placard).

➢ Je me souviens de la sécheresse de 1976 et du champ arrosé par les pompiers avant un bal.
➢ Je me souviens que mon père, mon grand-père et mon oncle avaient des quatre L bleu, blanc, rouge.
➢ Je me souviens du premier film vu au cinéma : Les bidasses en folie.
➢ Je me souviens des livres de Thrilby que je lisais chez ma grand-mère.
➢ Je me souviens du Hit-Parade.
➢ Je me souviens de OK magazine.
➢ Je me souviens du disco et des boules à facettes.
➢ Je me souviens du livre de Bled de 6ème.
➢ Je me souviens du panty qui dépassait de ma jupe courte.
➢ Je me souviens de la voix rocailleuse d’un ancien combattant de 14 qui disait "Mort pour la France", le jour du 11 novembre.
➢ Je me souviens du pompon du petit manège et du ticket gratuit offert par la commune ( ce jour là, les forains ne mettaient pas le pompon).
➢ Je me souviens des toboggans géants du Pal lorsque le parc zoologique a ouvert.

➢ Je me souviens du petit manège dans la vitrine du magasin qui se mettait en route lorsqu’on mettait sa main sur la plaque métallique.

➢ Je me souviens de "Bonjour ma cousiiine, bonjour mon cousin germain, il parait que vous m’aimez, est-ce bien la vérité ?".
➢ Je me souviens de la chèvre de M Seguin sur l’électrophone et du petit livre pour suivre l’histoire.
➢ Je me souviens du Rider’s Digest de chez ma grand-mère.
➢ Je me souviens de la paraffine sur les pots des confitures.

➢ Je me souviens de la tête et les Jambes et de Pierre Bellemare.

➢ Je me souviens de l’odeur de l’alcali pour nettoyer les pantalons du grand-père.
➢ Je me souviens d’un morceau à la flute : si si do ré ré do si la sol sol.
➢ Je me souviens des pellicules 24 et 36 poses.
➢ Je me souviens du distributeur de boules de chewing-gums multicolores.
➢ Je me souviens du tir à la carabine dans la cible à la fête foraine.
➢ Je me souviens du fermier dans son pré, oh hé oh hé ho hé…
➢ Je me souviens des décalcomanies.
➢ Je me souviens du film la Boom
A la manière de Georges Perrec - Je me souviens
➢ Je me souviens qu’à un Noël avec mon cousin, nous nous étions offerts des disques et qu’en fait nous sommes repartis avec notre propre cadeau.
➢ Je me souviens de l’odeur d’essence des motos des copains.
➢ Je me souviens du représentant de commerce qui ouvrait son énorme valise à étagères.
➢ Je me souviens des cross d’hiver et du chocolat chaud après l’effort.
➢ Je me souviens du petit train d’interlude et de la mire à la TV.
➢ Je me souviens des châles avec des motifs coquilles.
➢ Je me souviens de mon appendice dans un bocal de verre
➢ Je me souviens des chansons de Hugues Aufray, Graeme Allwright et Maxime le Forestier.

➢ Je me souviens du diable pour cuire les patates.

➢ Je me souviens de l’odeur de chez Cachin à Bayet « ça pue Cachin ».
➢ Je me souviens du fracas du Tac Tac.
➢ Je me souviens du disque vinyle qui déraille.
➢ Je me souviens quand ma grand-mère dépouillait le lapin et lui arrachait les yeux.
➢ Je me souviens de la chasse aux escargots.
➢ Je me souviens quand on sifflait avec une feuille.
➢ Je me souviens des cabines téléphoniques avec des pièces de 20cts 1F et 5F.

➢ Je me souviens du schmilblick « il tient dans la main, il tient dans la main ».

➢ Je me souviens des jeux de 20H et de maitre Capello.
➢ Je me souviens des jeux sans frontières.
➢ Je me souviens de Marie Myriam gagnant l’Eurovision avec « L’oiseau et l’enfant ».
➢ Je me souviens de la demi-finale de la coupe du monde 1982 et du choc violent du gardien de but Allemand Schumacher envers Patrick Battiston.
➢ Je me souviens du pain béni offert après les messes de communion.
➢ Je me souviens de notre tricycle rouge et plus tard de mon mini vélo.
➢ Je me souviens des asticots TIMA qui grouillaient dans la boite.

➢ Je me souviens du bal parquet avec Primo Corchia.

➢ Je me souviens du maillot de bain rouge pour la colo.
➢ Je me souviens des verres en cristal qui chantent lorsqu’on fait tourner son doigt sur le bord.
➢ Je me souviens d’avoir écouté la mer dans le gros coquillage.
➢ Je me souviens des patins pour glisser sur le parquet.
➢ Je me souviens des boules rondes d’anis de Flavigny et de l’alcool de menthe contre le mal de cœur en voiture.
A la manière de Georges Perrec - Je me souviens

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Autrefois, #Quand j'étais petite, #Tranches de vie

Repost0

Publié le 5 Mars 2023

La soupe aux alphabets

Bonjour ma cocotte dit ma grand-mère en me serrant dans ses bras. Toute ronde dans son tablier bleu, elle sent la crème Nivea, la lavande et le sucré. Des odeurs de mémé qui donnent envie de la croquer. Dans sa maison toute propre perchée en haut d’un escalier, il n’y a pas de soucis, pas de corvées, juste des sourires et de tendres baisers. Mon cœur bat de bonheur, les vacances viennent juste de commencer. Tandis que je range mon petit sac dans ma chambrette, mémé s’affaire du fourneau au buffet.

Je pointe le bout de mon nez pour deviner ce qu’il y aura au déjeuner. Les effluves qui s’échappent de la cocotte rouge me donnent un indice. J’en suis sûr, elle est en train de cuisiner du veau à la tomate avec un riz blanc bien fondant, mon plat préféré ! Pépé arrive du jardin, portant sous son bras une cagette remplie de radis croquants et une grosse salade bien pommée. Comme c'est amusant de secouer le panier métallique par la fenêtre ouverte. Les radis sont joliment taillés en forme de fleurs puis disposés dans un ravier. Ils seront dégustés en entrée à la croque au sel, accompagnés de tartines beurrées. Pour le dessert, j’ai repéré la mousse au chocolat dans le réfrigérateur. Je n’ai pas pu résister, j’ai plongé mon petit doigt dans le saladier.

Ma chatte, tu veux bien mettre le couvert demande la voix douce de ma grand-mère. Très fière de cette responsabilité, j’installe trois assiettes de faïence dépareillées et des verres à moutarde aux motifs de Babar et Titi-Gros Minet. À midi tapant, sous les yeux enveloppants de mes grands-parents, je me régale du repas spécialement préparé à mon intention. 

Après manger, je m’allonge sur le canapé pour dévorer un livre jeunesse d’un autre temps. Dadou gosse de Paris raconte l’histoire d’un pauvre gamin des faubourgs qui rencontre un petit garçon riche, leurs vies vont être bouleversées… La vaisselle expédiée, mémé vient me rejoindre et s’installe dans son fauteuil avec des mots croisés tandis que pépé gribouille des chiffres sur un cahier d’écolier. Le salon est calme, tout en contraste avec la sonnette incessante du commerce familial. Ici, le temps s’écoule léger, rempli d’amour et d’insouciance.

Une heure plus tard, mon grand-père range ses papiers et demande, tu veux faire un nain jaune ma chérie ? Et je délaisse avec joie ma lecture pour le jeu de société proposé.     

En fin d’après-midi, lorsque la chaleur a décliné, nous descendons au jardin. Pépé sort le jet pour arroser ses plates-bandes et moi, un petit seau à la main, je cueille les framboises bien mûres.

Ne mange pas tout, ma poulette, il n’en restera plus pour la confiture gronde ma grand-mère tout en riant de mon minois barbouillé. La récolte terminée, elle sort le gros chaudron de cuivre et mélange les fruits juteux, le sucre et le gélifiant. Il flotte dans la maison une odeur suave de fête foraine qui me fait me pourlécher les babines. Sur le dessus de la bassine, une jolie mousse se forme, mémé l’écume précautionneusement et me la fait goûter encore toute chaude. Que c’est bon ! 

 Le soir venu, nous dînons d’une soupe aux alphabets, d’un œuf mouillette et d’un biscuit de Savoie fourré avec l’écume de la confiture. Mais il faut se dépêcher, car ce sont bientôt les jeux de 20 h avec maître Capello, il ne faut absolument pas les louper. Puis l’on éteint la télé et je réclame les photos. Mémé grimpe sur une chaise et retire du dessus de l’armoire, la grande boite en velours remplie de souvenirs. Inlassablement, elle me commente les images fanées. Ce sont de tout petits clichés de quand elle était petite et aussi pépé, maman, tata… Il y a même quelques images encore plus anciennes, Mélanie mon arrière-grand-mère avec une robe longue, Isidore son époux tient la bride du cheval et à leur pied mémé petite fille berce une poupée. Puis elle me montre « la guerre », un vieux laissez-passer, une carte de rationnement, une photo de la ligne de démarcation. Elle ne tarit pas d’anecdotes sur cette période sombre, l’exode, les restrictions et la naissance de ma mère pendant une alerte. J’écoute bouche bée, jamais rassasiée.

Il est tard ma chatte dit soudain mon grand-père en jetant un coup d’œil à la pendule. Il m’envoie me mettre en pyjama pendant qu’il tire une bassine pour le rituel du bain de pied. Le lit tout frais garni de gros draps de lin a été préparé, je m’y glisse avec plaisir après cette journée si bien remplie. Pépé me borde bien serrée puis avec mémé, ils se penchent pour les câlins du coucher et les paroles apaisantes de bonne nuit. La lumière s’éteint et la porte reste entrebâillée laissant filtrer une faible lueur. Dans la chambre d’à côté, j’entends les voix étouffées de mes grands-parents qui se couchent à leur tour. Il fait noir maintenant, mais je n’ai pas peur, je suis en sécurité. Je plonge doucement dans le sommeil heureux de mon enfance choyée.  

 

Sur le même thème : Déjà dans l'escalier

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Autrefois, #Nouvelles, #Quand j'étais petite

Repost0

Publié le 6 Septembre 2018

L'heure de la baignade à la colo

Un bruissement d’abord imperceptible s’amplifia au fil des minutes, se transformant en conversations à voix basse puis en rires et enfin en galopades dans le couloir. La sieste était terminée et les fillettes s’animaient après une heure et demie de silence forcé.

Babeth demanda aux filles d’enfiler leur maillot de bain et de préparer leur sac de plage avec une serviette et une culotte de rechange puis elle les fit aligner deux par deux sous la galerie du dortoir, vérifia que les chapeaux étaient bien sur les têtes et jeta un œil au bâtiment opposé.

De l’autre côté de la cour le même rituel s’effectuait pour le groupe des garçons, les chenapans beaucoup moins disciplinés que les filles avaient profité que leur moniteur s’absente quelques minutes pour se disperser autour du dortoir.  Lorsque Christian revint avec la grande boite en plastique contenant le goûter, il dut donner un coup de sifflet pour rassembler ses ouailles puis il prit sa grosse voix pour demander à Patrick de se tenir tranquille, à Sylvain d’enfiler sa casquette et à Alain de lacer ses baskets.

Cinq minutes plus tard, enfin prêts, les garçons traversèrent la cour en faisant les fous pour rejoindre les filles qui gloussaient de plus belle à l’approche de leurs camarades.

« Patrick est trop beau »

 « Oui mais Philippe est plus gentil »

« Moi j’aime mieux Eric »

 Babeth sourit aux commentaires de ses filles et fit un clin d’œil à Christian pour qui elle en pinçait un peu elle aussi. Elle confia la mallette à pharmacie à une grande fille dégourdie et les garçons se chargèrent du filet du périmètre et de la cantine du goûter.

Les moniteurs comptèrent et recomptèrent les enfants, ils étaient seize mômes de 10 à 11 ans, halés, dévorés de moustiques, égratignés aux genoux et trépignants de cette baignade quotidienne.

Christian prit la tête du cortège tandis que Babeth fermait la marche et la troupe s’ébranla enfin vers le fond de la colo en faisant crisser les aiguilles de pin sous les sandales. Elle franchit le portail du parc et traversa la route pour rejoindre un petit chemin qui serpentait sous la pinède. Ça sentait bon la sève chaude et il flottait dans l’air comme une douce torpeur d’été qui rendit soudain les enfants très calmes. Mais Babeth ne leur laissa pas de répit, elle réveilla l’ambiance en entonnant le chant appris le matin. TIENT BON LA BARRE ET TIENT BON LE VENT, HISSEZ  HAUT SANTI AANO, SI DIEU VEUT TOUJOURS DROIT DE E VANT, NOUS IRONS JUSQU’A SANFRANSISCO.

La colo ne passait pas inaperçue dans le quartier et les vacanciers souriaient en croisant le groupe qui s’égosillait de plus belle à l’approche de la dune. Les enfants traversèrent le petit bois Henri IV et longèrent une rangée de baraques aux effluves sucrées qui les fit saliver. Certains se déchaussèrent pour grimper la dune ; trois filles à la traine se plaignirent que la montée était trop dure, Christian les encouragea, leur fit se donner la main, attrapa le bout de la chaîne pour remorquer les fillettes. Il furent bientôt tous au sommet et comme chaque jour  ils marquèrent un arrêt, saisis par le vent marin et les effluves iodées. Que c’était beau ce ciel azur qui plongeait dans la grande bleue et cette immense plage de la Couarde piquetée de parasols multicolores.

 

Enivrés de vent salé, les enfants se dirigèrent à leur place habituelle le long de la dune et ils installèrent le camp en étalant les serviettes puis se mirent en maillot de bain et attendirent les consignes.

Raymond le directeur venait de les rejoindre, il aida Christian à installer le périmètre sous les yeux impatients des enfants. Ils auraient voulu courir mais les moniteurs veillaient au grain et c’est donc calmement qu’ils se dirigèrent au bord de l’eau pour se mouiller le corps et la nuque et entrer progressivement dans l’eau. Une fois bien mouillés, ils purent enfin s’ébattre, sauter par-dessus les vagues et profitez de ce bain de mer qu’ils aimaient tant. Didier le surveillant de baignade, un sifflet à la bouche gardait l’œil partout et Babeth et Christian étaient dans l’eau avec les enfants tandis que Raymond gardait le fond du périmètre. La baignade ne durait pas plus de 25mn pour laisser la place aux autres groupes qui se succédaient toute l ’après-midi.

Trois coups de sifflets retentirent soudain.

« Déjà se plaignit Sophie, c’était trop court. »

« Allez allez, tout le monde sort » entonna Babeth

Les enfants se jetèrent une dernière fois dans l’écume puis regagnèrent en courant leur coin de serviettes. Les uns se séchèrent un peu, tandis que d’autres ruisselants d’eau se jetèrent dans le sable  chaud et que quelques coquettes s’allongèrent pour un bain de soleil.

Un peu plus tard, les jeux de plage allaient bon train :  creusement de trous à remplir d’eau de mer, jeu d’osselets avec des cailloux, recouvrement de sable du copain, papotages. Lorsque la mer s’éloignait découvrant une bande de sable humide, les moniteurs organisaient un ballon prisonnier, un concours de châteaux de sable ou un relai.

A l’heure du quatre heures, les moniteurs les faisaient s’asseoir en cercle et l’on ouvrait la grande caisse. Chacun recevait un morceau de pain et une pâte de fruit, une barre de chocolat ou une vache qui rit et l’on se passait les verres pour boire le sirop de grenadine ou de menthe.   

Vers 17H00, il fut temps de se changer. Les enfants se contorsionnèrent sous leur serviette pour enfiler un slip sec, les filles plus organisées se tenaient les sorties de bain. Les enfants pleins de sable ou rouges écrevisses reprirent le chemin du retour en passant par le petit bois.  

Puis c’était l’heure de la douche dans un bâtiment sous les pins, d’abord les garçons puis le groupe des filles. Une fois propres et secs, les moniteurs menaient les enfants à la lingerie où chacun récupérait sa pile de linge marqué à son nom.

L’heure du diner approchait, la colo se rejoignait au centre de la cour de sable pour une chandelle géante puis chaque groupe à tour de rôle passait se laver les mains et entrait joyeux au réfectoire, affamés de leur journée bien remplie.

Bon appétit les enfants.

Merci à Jean-Marc pour cette photo aérienne de la colonie de Bellerive à la Couarde (PEP)

Merci à Jean-Marc pour cette photo aérienne de la colonie de Bellerive à la Couarde (PEP)

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Quand j'étais petite

Repost0

Publié le 24 Avril 2018

L'école privée d'humanité

C’était pendant une récréation du mois juin, les jeux allaient bon train, je sautais à cloche pied dans la marelle quand subitement, je me mis à fanfaronner qu’à la prochaine rentrée, je ferais mon CM2 chez les frères.

Les cris cessèrent immédiatement et les autres fillettes

me regardèrent éberluées 

  • "T’as pas peur, lança la plus dégourdie après une longue minute de silence.
  • De quoi j’aurais peur répondisje en haussant les épaules ?
  • Bin, t’es pas au courant, là bas on coupe les oreilles des enfants pas sages, ma vieille."

J’en restais bouchée bée, en réalité je n’étais pas vraiment ravie de quitter ma petite école de campagne et mes copines et si je me vantais un peu c’était pour me donner une contenance, pour me persuader que cette institution où l’on m’envoyait était du tonnerre mais en réalité, j’avais la pétoche.

Deux mois plus tard accrochée à la main de notre maman, mon petit frère et moi pénétrâmes dans l’école au nom prometteur.  

En ce jour de rentrée, le grand portail vert était ouvert à deux battants dévoilant l’immense rond de fleurs aux allées soigneusement ratissées. Je ne pouvais détacher mes yeux des innombrables traits de râteaux tracés dans le sable blond ; je n’avais jamais vu un tel parterre multicolore avec un petit moulin au milieu et des nains de jardin sur la pelouse. A l’arrière-plan à l’ombre d’un vieux cèdre, il y avait un grand bâtiment de pierre, flanqué d’un large escalier.

C’était majestueux !

Maman me tira de ma contemplation en m’entraînant sur le chemin de terre battue qui contournait le massif; des chèvrefeuilles formaient une voûte odorante et des noisettes étaient répandues sur le sol mais nous n’eûmes pas le temps de nous attarder car l’heure de la rentrée approchait. Nous pénétrâmes peu après dans une cour bétonnée dans laquelle s’élevait un petit château. Mes yeux s’écarquillèrent de surprise et je fus soudain bien intimidée lorsque je compris que ma salle de classe se trouvait là.

Ma nouvelle maîtresse était une vieille demoiselle revêche qui nous fit ranger sur deux lignes pour faire l’appel, elle regarda un instant par-dessus ses lunettes et repéra d’un seul coup d’œil, les trois pauvres égarés qui intégraient les rangs.

Elle était drôle cette nouvelle école, je m’en aperçus assez rapidement quand à la récréation, je vis la classe de 9ème, celle de mon petit frère, qui tournait en rond dans la cour. Ceci m’impressionna d’autant plus que la maîtresse nous mit en garde.

  • "Voilà ce qui vous attend si vous n’apprenez pas vos leçons ou si vous chahutez » lança-elle narquoise"

J’avais franchement de la peine de voir mon petit frère, mains dans le dos, tête baissée qui marchait penaud derrière ses petits camarades, on aurait dit un prisonnier. Je me rappelais avec nostalgie la cour de ma petite école, les cris de joie, les rondes, les courses folles et les grillons que nous dénichions dans l’herbe.

Et je me sentis enfermée

Chaque matin, un frère nous dispensait le catéchisme, nous enseignait la vie des saints et nous parlait des missions à Madagascar. Il nous montra ce pays sur une grande carte accrochée au mur. Il nous fit voir des photographies d’enfants noirs avec un gros ventre et nous dit qu’ils mourraient de faim. A ce titre un tronc circulait chaque semaine pour y déposer notre obligatoire obole sous le regard aiguisé des adultes et les œillades des autres enfants qui se haussaient sur la pointe des pieds pour voir le montant des générosités.

En entrant dans cette école privée, la messe elle aussi devint incontournable, chaque lundi, la maîtresse nous interrogeait pour vérifier notre présence l’office, ceux qui n’avaient pas participé recevaient une semonce publique où toutes les raisons étaient balayées. En petite fille obéissante et surtout craintive des conséquences, je me conformais chaque dimanche aux instructions de mes maîtres, persuadée que j’irais en enfer si je n’effectuais pas mon devoir dominical.

L’entrée en 6ème renforça encore la discipline, le professeur d’histoire-géo me prit d’emblée en grippe en ayant sans cesse quelque chose à me reprocher, j’avais beau m’appliquer, mes cahiers n’étaient jamais tenus à son goût.   

 Un samedi, j’occupais mon après midi de congés à réaliser une carte du monde, à la décalquer, à repasser les traits, à colorier, à inscrire les villes, les mers, les légendes. Ma carte était magnifique, j’étais d’autant plus fière de moi que j’avais reçu les compliments de mes parents pour ce travail appliqué. Le lundi, c’est donc en toute confiance et avec un grand sourire que je présentais mon travail à mon professeur mais celui ci la regarda à peine et sortit son stylo rouge pour barbouiller de sa pointe acérée ma jolie carte de géographie. Les larmes me coulèrent des yeux, de rage et d’incompréhension. Le professeur prétendit que cette carte n’était pas dessinée dans le bon sens et que je n’avais pas écouté les instructions, je reçus un zéro et une injonction de la refaire pour le lendemain. A 11 ans, je vécu cette sanction comme une grave iniquité et je me mis à pleurer de plus belle sans que cela n'amadoue le tyran.

 Ma belle carte et mon énergie furent définitivement souillées

de l’autorité malsaine de cet enseignant

Je refis ma carte sur un bout de papier, à la verticale comme il le fallait, plus petite, minimaliste, sans envie, sans plaisir, une carte moche comme mon humeur qui se ternissait de plus en plus au fil des semaines et je la collais en colère sur l’autre, la belle.  

S’il nous manquait des fournitures scolaires, on nous incitait à nous rendre à la petite boutique de l’école afin de contribuer aux bonnes œuvres de notre institution. D’ailleurs, il était également de bon ton, outre le règlement de la demi-pension, d’être généreux avec les religieux en apportant des dons en argent, vêtements ou victuailles. Ma famille n’adhérant pas franchement à ce système fut aussitôt identifiée et nous autres les enfants un peu plus stigmatisés. 

La 6ème marqua également la fin de la récréation d’après déjeuner au profit du sport intensif, une heure durant, chaque jour nous enchaînions les paniers, les courses autour du stade, les tirs par-dessus le filet, coachés par des élèves de troisième qui  singeaient à merveille l’autoritarisme des professeurs. J’étais assez douée pour jouer au basket où du moins j’étais déjà grande pour mon âge et l’on m’intégra à l’équipe de l’union sportive de l’école où chaque mercredi nous disputions des tournois.

L’année de 5ème marqua le commencement de ma dégringolade scolaire avec des cours ubuesques. Un jeune frère qu’on avait du désigner d’office comme professeur d’anglais mettait en boucle une cassette sur un magnétophone, il avait institué un système de punition où à chaque mauvaise réponse il fallait lever un bras, puis l’autre, puis une jambe. C’est comme ça qu’un jour, un copain de classe se coucha au sol en protestation de cette pédagogie grotesque. Ce frère-là avait le béguin pour la prof de Maths, ils entretenaient des relations qui n’étaient pas que platoniques. Mon esprit en construction s’affolait de ces contradictions entre morale chrétienne enseignée par ces adultes et leur comportement affiché sous nos jeunes yeux.

Un jour en cours de sport, alors que nous courions depuis de longues minutes, je demandais au professeur de porter mes lunettes dans la classe car elles étaient recouvertes de buée. Elle me répondit moqueuse en faisant s’esclaffer les autres élèves que je n’avais qu’à installer des essuie-glaces. Rien de grave en apparence mais en réalité une petite brimade supplémentaire au sein d’un système dévalorisant.

La fillette délurée devint craintive et muette

Le moment que j’appréhendais chaque jour davantage était celui du repas. A midi- quinze, toutes les classes devaient être rangées devant le double escalier menant aux réfectoires. Nous nous tenions dans un silence complet, immobiles, scrutés du haut des marches par le corps enseignant qui nous toisait et dénichait invariablement les indisciplinés. Il n’était pas rare que le frère directeur donnât un coup de sifflet pour signaler un pauvre bougre qui écopait de vingt tours de cour au pas de course suivis de la mise au coin où il mangeait son repas debout.

A l’intérieur du réfectoire, assis aux tables qui nous étaient attribuées, les frères  désignaient en début d’année, des chefs « carrés » comme à l’armée, des petits chefs à la solde des adultes avec pour mission de faire respecter les règles. Dans les consignes, il y avait l’injonction de remplir les assiettes de tout le monde y compris de ceux qui n’aimaient pas le plat ; les assiettes et les plats devaient revenir vides en cuisine. Les chefs de carrés, de grands gaillards de 3ème dont quelques pervers  s’en donnaient  à cœur joie de refiler aux petits la nourriture que personne n’aimait. Pour ma part, isolée au milieu de grands, j'avalais, le poisson, le boudin, le foie, les épinards et autres trucs me donnant la nausée comme on avale des médicaments, tout rond avec de grandes quantités d’eau et des hauts le cœur.

Ces règles carcérales nous firent mettre en route tout un système de mensonges et de dissimulation pour vider les plats sans pour autant avaler la nourriture infecte.  A tour de rôle nous devions débarrasser les tables, j’appris sous l’exemple d’autres victimes, à écraser la nourriture exécrée entre les assiettes et à me dépêcher de porter ma pile à la plonge avant de me faire prendre. J’appris que je pouvais troquer mon dessert ou mes frites contre mon poisson pané, j’appris à dissimuler des bouchées dans mon mouchoir ou à les faire tomber sous la table. 

Je ne travaillais plus, mes notes devinrent catastrophiques et l’on me taxa de nonchalante puis de fainéante et enfin l’année suivante on s’interrogea sur mes capacités.

Et plus l’on me secouait, plus je rentrais dans ma coquille

La seule échappatoire était le basket que je finis par aimer, sans doute parce que lui seul me valorisait et me défoulait. L’année de la 4ème, après une série de tournois gagnants, nous fûmes consacrées championnes départementales avec photo dans le journal et remise de diplômes, une petite lumière dans un océan d’injustices.

En 4ème, le foutoir s’installa définitivement et j’eus beau faire équipe avec mon voisin de table tout aussi déboussolé que moi-même, nos notes restèrent médiocres. Pendant la récréation,  punis, nous étions consignés dans la classe pour recopier des lignes entières de verbes irréguliers ou de formules de maths ; par la fenêtre, il n’était pas rare d’apercevoir un petit garçon du cours préparatoire qui défilait honteux son cahier lié sur le dos sous les quolibets de la cour.

Un mercredi matin où une composition s’annonçait, je dus partir sur-le-champ avec mon équipe de basket pour un tournoi régional, une diversion qui venait à point nommée pour échapper au pensum. Sur deux bancs dans la camionnette, la bonne humeur régna tout le voyage et bien que nous ne soyons pas revenues gagnantes, cette aventure restera comme le souvenir le plus heureux de ces années passées chez les frères.   

Peu après, je me cassais une jambe et cet accident sonna définitivement le glas de mon année scolaire. Mes parents prirent enfin conscience du désastre et me firent quitter l’école pour redoubler dans un autre établissement.

Ce n’est que des années plus tard que grâce à une analyse, je pus mesurer les traumatismes induits par ces années spéciales, elles furent en grande partie responsable du manque chronique confiance en moi, de phobies, d’anxiété et d’aversions alimentaires qui me poursuivent encore aujourd’hui.  

Voir les commentaires

Repost0

Publié le 19 Octobre 2017

Déjà dans l'escalier

Bref coup de sonnette, déjà dans l'escalier,

Mémé ouvre ses bras, offre de doux baisers.

Un biscuit de Savoie sous la toile, caché

Répand dans la cuisine l'odeur du goûter.

 

Mémé sort le chaudron, les pots à cannelures

Les framboises s’apprêtent pour la confiture.

Mon minois barbouillé de l’écume sucrée

Sourit à belles dents de ce havre douillet.

 

Paisible, sur le radiateur, allongée,

Je lis un vieux Trillby quelque part déniché.

Mémé chante Riquita et range affairée,

La bassine de cuivre en haut du vieux buffet.

 

Sur le bord du bahut, les pots sont alignés,

Paraffine figée sur la pulpe d'été.

Une belle arabesque indiquera l'année,

Framboises du jardin d'un chaud mois de juillet.

 

Le labeur terminé, mémé prend une chaise,

Raconte les histoires d'hier et de la guerre

Sort de vieilles photos et un laisser-passer,

Étouffe un long sanglot de jeunesse fanée

 

Elle raconte, la naissance de ma mère,

Dans la ville exsangue, une trouée de lumière.

L’amour de ma grand-mère irradie tout mon être,

Trésor de sagesse, toute première pierre.

 

Le soleil a tiédi je joue sous le prunier

Le nez à la croisée, mémé dit "le voilà".

Mon grand-père s’extirpe de sa petite Simca .

Bref coup de sonnette, déjà dans l'escalier....

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Mes poèmes, #Quand j'étais petite

Repost0

Publié le 19 Juillet 2017

Le terrain

C’était comme ça que nous appelions l’aire de sport située derrière le préau de l’école primaire. C’était un grand carré de pelouse et un terrain de basket avec en bordure une poutre métallique, un portique à agrès et une piste de saut en longueur.

Je devais avoir une douzaine d’années lorsque j’ai commencé à fréquenter ce lieu avec d’autres enfants de mon âge. Cet espace plus éloigné de la place du village était désormais plus conforme à nos années adolescentes.

Nous jouions au basket sur le terrain goudronné et la moindre bousculade  nous valaient des chutes qui nous éraflaient les cuisses et nous couronnaient les genoux. Nous adorions le ballon prisonnier, les matchs de foot et les parties de rugby où nous nous plaquions au sol et roulions dans l’herbe comme de jeunes chiots. Les plus habiles grimpaient aux barres du portique et faisaient le cochon pendu, les grands bêtas escaladaient les panneaux de basket. Le terrain servait également à faire du patin à roulettes.

Et puis, il y avait ces concours d’opposition que nous faisions sur la poutre verte. Face à face, il s’agissait de lutter avec les mains pour  faire tomber l’adversaire. Thierry, un grand du bourg dégommait un à un les plus petits et il resta longtemps invaincu jusqu’à ce que vint mon tour. Bien déterminée, je le poussais de toutes mes forces avant qu’il n’ait eu le temps de reprendre son souffle et à mon grand étonnement, il tomba, il tomba et se cassa le bras.

Et oui, nos jeux d’enfants pouvaient être dangereux !

Deux ans plus tard, lorsque l’été revint, les garçons avaient troqué leurs bicyclettes contre des scooters qu’ils faisaient pétarader pour nous épater.

Aujourd’hui encore, lorsque je vois des jeunes gens cabrer leur engin et que je sens l’odeur de « mobylette », les souvenirs de mes quatorze ans refluent dans ma tête.

« Les filles, rendez-vous ce soir au terrain ! »

nous lançaient les Casanova en herbe.

Ce ne fut pas une mince affaire que de convaincre les parents d’aller un moment au terrain après dîner. Il fallut dire qui serait là, promettre de ne pas faire de bêtises et de renter à l’heure. Sitôt le dessert avalé, notre bande de jeunes aux cheveux longs et aux blues-jeans à paths d’éph se dirigeaient joyeusement vers le terrain. Quelles étaient douces nos soirées d’été. Une radio à la main, nous écoutions le hit-parade et reprenions en cœur Ti amo  d’Umberto Tozzi ou You're the one that I want de John Travolta.

Et puis sevrés d’activités, nous nous asseyions en cercle dans l'herbe chauffée par le soleil de la journée et nous refaisions le monde, gouttant à l’ivresse de cette toute jeune liberté.  

Souvent le silence nous rattrapait au fur et à mesure que le soleil déclinait. Le chant des grillons prenait alors toute la place, ils stridulaient invisibles dans le gazon coupé ras. Nous nous mettions à plat ventre pour les dénicher de leur trou ou cherchions quelques trèfles à quatre feuilles pour nous porter bonheur.

L’heure arrivait toujours trop vite mais nous savions que pour revenir demain, il fallait rentrer sans barguigner !

Bonne nuit les copains !

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Quand j'étais petite

Repost0

Publié le 7 Mars 2017

Souvenirs du dimanche

Chaque dimanche les cloches sonnent à la volée pour annoncer la messe et tandis que les femmes et les gamins se pressent sur le parvis de l’église, les hommes se rendent au bistrot, au tabac ou au poste d’essence.

Comme tous les enfants du catéchisme, je m’installe sur les bancs de devant de la petite église du village, les filles à droite, les garçons à gauche. A tour de rôle, l’abbé nous demande de lire et remplis de fierté nous nous levons au pupitre. Deux autres enfants sont choisis pour faire la quête. Dans un rituel bien rodé, ils tendent les troncs de chaque côté des allées puis effectuent une génuflexion impeccable devant l’autel avant de porter les oboles à la sacristie.

En fin de matinée, à la sortie de l’office, le magasin familial est assiégé. Les ménagères profitent d’être au bourg pour faire leurs emplettes et les enfants restent indécis, de longues minutes durant, devant le rayon des bonbons, hésitant interminablement entre les multiples friandises

Mes parents s’affairent d’un client à l’autre, ma mère dans la boutique, mon père faisant des allers-retours du dépôt aux voitures de ses clients pour charger une caisse de vin, une bouteille de gaz ou un sac de granulés pour le bétail.

Ma mère renseigne patiemment les clientes les plus exigeantes en recherche d’un écheveau de fil à broder n°12 ou d’une paire de pantoufles fourrées et elle jongle entre la balance semi-automatique à deux plateaux et la trancheuse à jambon. Elle fourre une poignée de bonbons dans un sac en papier kraft du gosse qui n’arrive pas à se décider et encaisse un franc, elle attrape un bibelot en vitrine et court faire un paquet cadeau. Toujours souriante dans sa blouse blanche, elle reste aimable y compris devant les réflexions de quelques mégères qui s’offusquent des prix plus élevés qu’au supermarché de la ville. L’autre jour, il y en a même une qui a trituré une salade et l’a reposé en rayon la déclarant peu fraiche. L’épicière doit avoir un excellent caractère et se souvenir sans cesse que le client est roi.

Les jours d’affluence le pépé laisse son journal pour tenir la toute nouvelle caisse enregistreuse qui remplace depuis peu la vieille machine à calculer. La mémé elle ne parvient pas à abandonner son petit carnet publicitaire qui lui sert à faire les comptes. Le dimanche, on préfère la savoir dans sa cuisine où à peine rentrée de l’église, elle quitte son fichu, enfile ses savates et son tablier de nylon et s’active à préparer le repas dominical. Le menu est quasi immuable : tomates en salade en été ou friands à la viande en hiver, lapin à la moutarde ou poulet rôti avec des pommes de terre sautées, charlotte au chocolat ou clafoutis aux fruits du jardin en dessert.

Le dimanche, la fermeture du magasin s’éternise, il n’est pas question de mettre les clients dehors. Nous, les enfants avons appris, au fil des années, à patienter, à aller aider à rentrer les présentoirs, à fermer les stores, à passer un coup de balai. Mon père ramasse sa caisse, ne laissant que la petite monnaie. Chaque jour, je le vois compter les billets et les épingler par paquet de dix. Avec mes yeux d’enfant, je le crois riche et il m’explique que la recette n’est que le chiffre d’affaires et non pas le bénéfice.

Nous nous mettons à table à l’heure du petit rapporteur de Jacques Martin que nous regardons en mangeant.

Le café avalé, mon père et mon grand-père allument une pipe ou un gros cigare. Mon frère et moi grimpons alors sur les genoux paternels. L’enfance c’est aussi simple et doux que cela, une famille réunit après un dur labeur, une moustache de chocolat, une fumée de havane odorant, un présentateur qui chante à la pêche aux moules et l’amour de ses parents.

 

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Quand j'étais petite

Repost0

Publié le 8 Novembre 2016

Sur la place du village

La courette fut bientôt trop petite pour contenir nos jeux et nos galopades alors nous migrâmes sur la place qui jouxtait la maison.

En réalité, il y avait deux places, celle de devant avec ses immenses tilleuls qui encadraient la porte de l’église et celle de derrière qui dévoilait un panorama imprenable sur la rivière.  

Le samedi ou durant les vacances scolaires, la place était le point de rendez-vous de tous les copains du bourg. Ils arrivaient à pieds, à vélo, en patins à roulettes et quelques années plus tard en mobylette.

La place de devant était le domaine idéal pour jouer au foot, dessiner des marelles ou jouer à chat.

Celle de derrière était destinée aux exploits les plus téméraires: se hisser sur la croix, longer la grille qui surplombait les jardins, escalader les murs derrière l’église et le summum, emprunter l’échelle métallique qui grimpait au clocher. Oui, oui comme dans Le grand Chemin nous étions espiègles, insouciants, libres.

Nos jeunes imaginations étaient sans cesse en éveil pour inventer une aventure ou élaborer quelques bêtises.

Tapis dans un étroit passage sombre ente deux maisons, nous retenions notre souffle lors d’un jeu de cache-cache. A califourchon sur un muret, nous chevauchions à bride-abattue dans les grandes plaines de l’ouest en poussant des cris de peaux-rouges.

La plateforme de la bascule publique nous servait de balançoire. Avec nos pieds, nous secouions de droite à gauche les pauvres planches jusqu’à ce que le garde champêtre nous déloge en vociférant.

Cachés derrière le panneau d’affichage recouvert de lambeaux déchiquetés, nous observions les allers et venues des ménagères et suivions les espionnes en catimini avant de dévaler la grand-rue en braillant.

Une petite vieille édentée habitait une maisonnette aux abords de la place. Elle sortait à intervalles réguliers toute de noire vêtu avec son un fichu sur la tête. Elle descendait dans sa cave un seau à charbon à la main ou s’en allait dans son jardin, sa corbeille d’osier sur la hanche. Parfois elle pestait en levant son balai.

Vilains garnements, Zavez pas finis de faire la sarabande sous mes f’nêtres.

Et nous nous éparpillions en criant comme une volée de moineaux et revenions à peine avait-elle refermée sa porte.

Dans les temps calmes, un platane centenaire était l’objet de toute notre attention. Patiemment nous lui enlevions son écorce laissant cruellement couler sa sève. A moins que nous ne gravions nos initiales à l’opinel dans quelques cœurs transpercés.

Lorsque j’étais seule, l’une de mes occupations favorites consistait à faire le tour d’un des tilleuls. La base du gros tronc formait des entrelacs de racines noueuses et il ne fallait surtout pas mettre les pieds par terre sous peine d’être engloutie dans l’océan déchainé.

Il y avait aussi la mère Barthelemy qui gardait des assistés. Je ne comprenais pas bien ce que cela voulait dire et l’on m’expliqua que c’était des enfants placés par l’assistance publique car leurs parents ne pouvaient pas s’occuper d’eux.

Je fis connaissance de Pascale et de ses frères, des petits parisiens très gentils. Il se chuchotait qu’on les avait placés car leur père buvait. Le père, ce devait être ce monsieur en costume qui venait leur rendre visite une fois par mois. Il leur apportait des bonbons et repartait le soir venu.

 La mère Barthelemy n’était pas tendre avec Pascale. Elle n’avait jamais le droit de venir jouer avec les autres enfants et devait effectuer toutes sortes de corvées. On lui avait même confisqué ses jouets que l’on apercevait sur une étagère du garage. Qu’elle semblait malheureuse cette petite fille de mon âge! Et puis un jour, la fratrie est repartie et la mère Barthelemy prit sa retraite et quitta le village.

Quelques temps plus tard, l’on vit débarquer sur la place, une famille nombreuse. Nous devenions ados et ces nouveaux camarades vinrent rapidement enrichir nos jeux.   

Lorsque l’angélus carillonnait au clocher de l’église, c’était le signal du soir pour rentrer à la maison. Les genoux écorchés, les cheveux en bataille, les mains sales nous rentrions au bercail, rassasiés d’avoir joué tout notre soûl.   

A bientôt sur la place du village

L'échelle métallique de l'église

 

 

Rendez-vous sur Hellocoton !

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Quand j'étais petite

Repost0

Publié le 31 Octobre 2016

La peinture sur soi

La jeune fille avait 14 ans lorsqu’elle tenta pour la première fois un trait de crayon sous ses yeux et un brillant rosé sur ses lèvres. Elle était fière de sa féminité naissante et de ses longs cheveux clairs et s’était dit qu’en ce dimanche de sortie, c’était une belle occasion de se faire belle.

Son enthousiasme tomba d’un coup lorsque la grand-tante la saisit par les épaules, l’éloignant d’elle pour mieux la détailler et lui lança dégoutée:

 Tu t’es mise à la peinture sur soi!

Elle rougit à la remarque bien qu’elle n’ait pas vraiment compris toute la subtilité et l’ironie acerbe du jeu de mots. Elle se renfrogna, baissa les yeux et s’assit sans broncher autour de la toile cirée, détachant dans sa tête chaque syllabe qui l’avait choquée.

Quelques minutes plus tard, elle réalisa toute la portée des mots et rougit à nouveau honteuse, même si elle ne savait pas exactement de quoi.

Elle aurait dû s’en douter, la tante acariâtre au chignon haut perché et aux lunettes en écaille avait tout de la vieille chouette rébarbative. D’aussi loin qu’elle se souvenait, elle avait toujours détesté lui rendre visite.

Déjà lorsqu’elle était petite, elle l’accueillait toujours sans rire avec des yeux perçants qui passaient toujours l’inspection.

Sa maison était aussi froide que la harpie, ça sentait le vieux et l’ennuie, des relents de lait caillé et de naphtaline qui assaillaient ses jeunes narines et la faisaient soupirer à peine le seuil franchi.

Ni canapé, ni télé, ni livres jeunesse dans l’antre de la mégère, le temps s’écoulait interminable entrecoupé de l’interrogatoire obligatoire sur les notes de l’école.

Elle avait grandi et faisait des efforts à chaque visite pour sourire et se rendre agréable à la vieille femme qui avait toujours été seule mais là à cet instant, elle la détestait!

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Quand j'étais petite

Repost0

Publié le 1 Septembre 2016

Comment tu faisais avant ?

Le prochain épisode de l’émission  Famille à remonter le temps , proposera une immersion dans les années 70. J’attends cet épisode avec impatience car c’est l’époque de quand j’étais petite, l’époque de mon enfance, de mon adolescence dont je vous parle régulièrement.

Un univers pas si lointain mais complétement obsolète pour les jeunes générations.

J’ai envie de jouer les Wonder Woman, de tourner sur moi-même, de troquer mes cinquante ans contre mes pats d’eph.

Allez, hop, replongez avec moi, l’espace d’un billet dans les seventies colorées.  

Comment tu faisais avant ?

Evidemment point de PC sur lequel je suis en train de rédiger cet article. Ma mère possédait une machine à écrire et au collège nos professeurs utilisaient une polycopieuse à alcool pour dupliquer nos cours ou nos interros.

Les notions d’internet, de tablettes numériques, d’objets connectés, d’Ebooks  étaient complètement inconnues. Nous lisions dans des livres papier, nous cherchions des données, des renseignements, des informations à la bibliothèque, dans les encyclopédies, dans l’annuaire, dans les journaux, par téléphone ou directement dans des lieux (gares, administrations, entreprises….).

En 2016, savez-vous que toutes générations confondues, 61% de la population possèdent un smartphone alors qu’en 1974, seul 10% des ménages ouvriers avaient un téléphone à cadran rond à la maison. En cas de besoin, on se rendait à la cabine publique des PTT (Postes, télégraphes et téléphones). 

Pour l’anecdote, lorsque je me suis mariée en 1985, j’ai reçu en masse, non pas des textos mais des télégrammes.

Comment tu faisais avant ?

Il n’y avait pas d’écran plat dans les salons, la télévision était une boîte carrée à cadre en bois ou en plastique avec seulement deux chaines. Il fallait appuyer sur de gros boutons et tourner une molette pour régler la luminosité. 

Il n’y avait pas de lampes halogènes, ni d’ampoules basses consommations mais des barres de néon qui envahissaient les rues commerçantes et les cuisines en formica.

Les photos sont numériques depuis quelques décennies, elles se prennent par centaines via nos smartphones ou nos appareils dernier cri. Qui se rappelle encore du temps des pellicules douze, vingt-quatre ou trente-six poses et des développements hors de prix. C’est en 1976, pour ma communion, que j’ai eu mon premier Kodak et autant vous dire qu’on réfléchissait à deux fois avant de de faire clic, clac.

Le four micro-ondes n’existait pas, ni les robots ménagers multifonctions. La cuisine se faisait au dernier moment ou se réchauffait à la casserole.

Le réveil matin était strident et ne diffusait ni radio, ni musique.  Il n’y avait pas de CD et encore moins de Mp3, la musique swinguait sur les microsillons puis sur minicassettes.

Il n’y avait pas de consoles de jeux mais un panel de jouets en plastique et de jeux de société. 

Pas de lycra ni de polaire mais des tissus nylon aux motifs psychédéliques.

Comment tu faisais avant ?

Il n’y avait pas de limitation de vitesse, ni de ceinture de sécurité, au point qu’en 1972, le nombre de morts sur les routes atteignait 18 000 personnes. Un grand plan de sécurité routière se mit alors en place rendant la ceinture obligatoire en 1973 et promulguant les premiers abaissements de limitation de vitesse en 1974.

Il est rapide et facile de nos jours de faire ses courses en ligne ou même d’auto scanner ses produits dans son hyper préféré. Le code-barre européen ne fit pourtant son apparition qu’en 1977 et il fallut attendre encore quelques années pour voir nos caissières faire glisser nos achats devant les cellules de lecture.

Sur les rayons il n'y avait ni de rasoir jetable, ni de savon liquide, ni de capsules de lessive. Il n’y avait pas non plus de lait UHT, d’œufs surprise, de salade en paquet ou de café moulu.

A l’heure où les sacs plastiques vont être interdits, il est drôle de se rappeler qu’en ce temps-là, on utilisait largement les cabas et les sacs en papier kraft

Dans les petites villes les acheteurs allaient encore chez l’épicier, le boucher et le boulanger tandis qu’en périphérie fleurissaient les supermarchés et qu’à la campagne fermaient un à un les petits magasins.  

En 1970, la moitié des femmes étaient encore des ménagères qui n’avaient  pas d’emploi à l’extérieur et qui jusqu’en 1965 ne pouvaient  gérer ni leurs biens propres, ni exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari.

Comment tu faisais avant ?

Ce matin, Lucie, 8 ans, demanda à son papy, s’il y avait des Pokémons dans son jardin lorsqu’il était petit.

Devant la réponse négative et amusée du vieil homme, la fillette lui dit très sérieusement :

Comment tu jouais avant?  

Comment tu faisais avant ?

Voir les commentaires

Rédigé par

Publié dans #Quand j'étais petite

Repost0