tranches de vie

Publié le 22 Mars 2024

A la manière de Georges Perrec - Je me souviens
➢ Je me souviens des deux familles rivales dans Lucky Luke, l’une avait des grandes oreilles et l’autre des gros nez.
➢ Je me souviens de Milky-Way, la barre de chocolat mousse.
➢ Je me souviens que j’étais persuadée que les gendarmes pouvaient détecter mes bêtises à distance.
➢ Je me souviens que j’avais peur du bruit des feux d’artifice, des gros tracteurs et des vaches.
➢ Je me souviens de "T’as quel âge ?" dans le verre de la cantine.
➢ Je me souviens de On dirait du veau".
➢ Je me souviens de mon premier appareil photo Kodak et du flash cube.
➢ Je me souviens de "Manger la banane par les deux bouts".
➢ Je me souviens du chiffon et de la cire pour nettoyer les pupitres, le dernier jour de l’année scolaire.
➢ Je me souviens de "J’ai mal au cul, j’ai mal occupé ma jeunesse, à faire des cu, à faire des cu, à faire des culottes de draps, pour un vieux cu, pour un vieux cu, pour un vieux curé de campagne". Je n’ai jamais su la suite.
➢ Je me souviens de "Trois p’its chats, trois p’its chats, trois p’tis chat, chat, chat…"avec le jeu de mains associé.
➢ Je me souviens de la piste aux étoiles qu’on regardait chez ma grand-mère.
➢ Je me souviens des voisins qui allaient chercher le lait à la ferme avec leur pot au lait alors que nous on buvait du lait UHT.
➢ Je me souviens de la pâte de fruit ou de la barre de chocolat avec la tranche de pain du goûter de la colo.
➢ Je me souviens de Faire mailloche à la colo (chercher pas dans le dictionnaire).
➢ Je me souviens de l’ouvreuse au cinéma avec sa lampe, "Bonbons chocolats glacés".
➢ Je me souviens de l’hostie remplie de poudre et de la petite bouteille en chocolat remplie de liqueur.
➢ Je me souviens des porte-clés Butagaz avec l’ourson bleu.
➢ Je me souviens de la Balle au mur, "Partie simple sans bouger, sans rire, sans parler, d’une main de l’autre ".
➢ Je me souviens des jeux de couteaux dans le sable.
➢ Je me souviens qu’à Villard de Lans, il y avait le col de l’Arc, le col vert, la côte 2000 et une montagne en forme de baleine.
➢ Je me souviens du tronc en velours rouge avec un élastique dessous pour faire la quête.
➢ Je me souviens de l’appareil de radiographie chez le docteur.
➢ Je me souviens du cadeau Bonux (yoyo, pousse-pousse)
➢ Je me souviens de Petit papa Noël chanté par Roméo.
➢ Je me souviens de ma surprise lorsque Julien Clerc s’est mis avec Miou Miou et Nathalie Baye avec Johnny Halliday.
➢ Je me souviens de l’équipe des verts Rocheteau, Larquet, Battiston, Janvion…
A la manière de Georges Perrec - Je me souviens
➢ Je me souviens lorsqu’on appelait l’opératrice pour téléphoner.
➢ Je me souviens du Pipiol pour calmer les piqures d’insectes.
➢ Je me souviens des brigades du tigres et de la bande à Bonnot.

➢ Je me souviens d'un accouchement en direct la nuit de la st Sylvestre 1980.

➢ Je me souviens de mon tee-shirt publicitaire Outil Wolf rouge avec des pas jaunes.
➢ Je me souviens des pat d’eph.
➢ Je me souviens des sabots noirs.
➢ Je me souviens des barrettes en cuir et pique en bois.
➢ Je me souviens de "Clic clac Kodak".
➢ Je me souviens de la camionnette du boulanger qui klaxonnait au village.
➢ Je me souviens du prix d’un mars en 1970 : 1F.
➢ Je me souviens de l’eau précieuse contre l’acné et du parfum Eau jeune.
➢ Je me souviens du bac de l’île de Ré.
➢ Je me souviens de Dagobert le chien du club des cinq.
➢ Je me souviens de Top le chien de l’ile mystérieuse (c’est le nom qu’on avait donné à notre propre chien).
➢ Je me souviens du curé de Cucugnan.

➢ Je me souviens de "mais ou est donc or ni car (dans le placard).

➢ Je me souviens de la sécheresse de 1976 et du champ arrosé par les pompiers avant un bal.
➢ Je me souviens que mon père, mon grand-père et mon oncle avaient des quatre L bleu, blanc, rouge.
➢ Je me souviens du premier film vu au cinéma : Les bidasses en folie.
➢ Je me souviens des livres de Thrilby que je lisais chez ma grand-mère.
➢ Je me souviens du Hit-Parade.
➢ Je me souviens de OK magazine.
➢ Je me souviens du disco et des boules à facettes.
➢ Je me souviens du livre de Bled de 6ème.
➢ Je me souviens du panty qui dépassait de ma jupe courte.
➢ Je me souviens de la voix rocailleuse d’un ancien combattant de 14 qui disait "Mort pour la France", le jour du 11 novembre.
➢ Je me souviens du pompon du petit manège et du ticket gratuit offert par la commune ( ce jour là, les forains ne mettaient pas le pompon).
➢ Je me souviens des toboggans géants du Pal lorsque le parc zoologique a ouvert.

➢ Je me souviens du petit manège dans la vitrine du magasin qui se mettait en route lorsqu’on mettait sa main sur la plaque métallique.

➢ Je me souviens de "Bonjour ma cousiiine, bonjour mon cousin germain, il parait que vous m’aimez, est-ce bien la vérité ?".
➢ Je me souviens de la chèvre de M Seguin sur l’électrophone et du petit livre pour suivre l’histoire.
➢ Je me souviens du Rider’s Digest de chez ma grand-mère.
➢ Je me souviens de la paraffine sur les pots des confitures.

➢ Je me souviens de la tête et les Jambes et de Pierre Bellemare.

➢ Je me souviens de l’odeur de l’alcali pour nettoyer les pantalons du grand-père.
➢ Je me souviens d’un morceau à la flute : si si do ré ré do si la sol sol.
➢ Je me souviens des pellicules 24 et 36 poses.
➢ Je me souviens du distributeur de boules de chewing-gums multicolores.
➢ Je me souviens du tir à la carabine dans la cible à la fête foraine.
➢ Je me souviens du fermier dans son pré, oh hé oh hé ho hé…
➢ Je me souviens des décalcomanies.
➢ Je me souviens du film la Boom
A la manière de Georges Perrec - Je me souviens
➢ Je me souviens qu’à un Noël avec mon cousin, nous nous étions offerts des disques et qu’en fait nous sommes repartis avec notre propre cadeau.
➢ Je me souviens de l’odeur d’essence des motos des copains.
➢ Je me souviens du représentant de commerce qui ouvrait son énorme valise à étagères.
➢ Je me souviens des cross d’hiver et du chocolat chaud après l’effort.
➢ Je me souviens du petit train d’interlude et de la mire à la TV.
➢ Je me souviens des châles avec des motifs coquilles.
➢ Je me souviens de mon appendice dans un bocal de verre
➢ Je me souviens des chansons de Hugues Aufray, Graeme Allwright et Maxime le Forestier.

➢ Je me souviens du diable pour cuire les patates.

➢ Je me souviens de l’odeur de chez Cachin à Bayet « ça pue Cachin ».
➢ Je me souviens du fracas du Tac Tac.
➢ Je me souviens du disque vinyle qui déraille.
➢ Je me souviens quand ma grand-mère dépouillait le lapin et lui arrachait les yeux.
➢ Je me souviens de la chasse aux escargots.
➢ Je me souviens quand on sifflait avec une feuille.
➢ Je me souviens des cabines téléphoniques avec des pièces de 20cts 1F et 5F.

➢ Je me souviens du schmilblick « il tient dans la main, il tient dans la main ».

➢ Je me souviens des jeux de 20H et de maitre Capello.
➢ Je me souviens des jeux sans frontières.
➢ Je me souviens de Marie Myriam gagnant l’Eurovision avec « L’oiseau et l’enfant ».
➢ Je me souviens de la demi-finale de la coupe du monde 1982 et du choc violent du gardien de but Allemand Schumacher envers Patrick Battiston.
➢ Je me souviens du pain béni offert après les messes de communion.
➢ Je me souviens de notre tricycle rouge et plus tard de mon mini vélo.
➢ Je me souviens des asticots TIMA qui grouillaient dans la boite.

➢ Je me souviens du bal parquet avec Primo Corchia.

➢ Je me souviens du maillot de bain rouge pour la colo.
➢ Je me souviens des verres en cristal qui chantent lorsqu’on fait tourner son doigt sur le bord.
➢ Je me souviens d’avoir écouté la mer dans le gros coquillage.
➢ Je me souviens des patins pour glisser sur le parquet.
➢ Je me souviens des boules rondes d’anis de Flavigny et de l’alcool de menthe contre le mal de cœur en voiture.
A la manière de Georges Perrec - Je me souviens

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Publié le 18 Septembre 2023

Je reviendrai - Nouvelle

Le froid lui cingla le visage lorsqu’il franchit la grille du camp. Emmitouflé dans sa capote, son calot enfoncé sur la tête, une grosse écharpe nouée autour du cou, il avançait lentement au rythme du commando. Les lumières blafardes des projecteurs clignotaient à intervalles réguliers et guidaient ses pas vers la gare. La grosse horloge indiquait 6 h quand il s’engouffra dans le train en direction d’une banlieue éloignée de Berlin. Il partait, déjà fatigué, pour douze heures de transport et de travail dans une usine du IIIe Reich.

Le soir venu, indifférent au brouhaha de sa chambrée, Joseph grimpa en haut de son châlit et s’allongea pour reprendre des forces. Toute sa vie était concentrée dans cet espace étroit. À la tête du lit, une étagère touchait presque le plafond. Il y avait rangé son quart et sa gamelle, quelques conserves, deux ou trois livres. A sa droite, il avait accroché aux murs les photos de Rolande, sa petite femme depuis le mois de janvier 1938. Qu’elle était belle avec ses boucles claires, souriante et heureuse dans sa robe toute simple. Il regardait sans cesse son image. Il regardait sans cesse sa vie d’avant. Après trois années de captivité, il avait tellement peur d’oublier les traits de sa bien-aimée.

Il décrocha sa photo préférée, celle où sa femme à vélo, un turban sur la tête lui souriait avec amour. Elle partait quelque part, sans doute dans l’une des fermes où elle devait se placer depuis le début de la guerre. Mais lui imaginait qu’elle partait le rejoindre. Les bras derrière la tête, la photo sur le cœur, il pouvait se laisser aller à lui écrire la longue missive qui ne figurerait jamais sur les quelques lignes du papier à lettres réglementaire.    

« Ma petite femme chérie, je viens d’avoir 28 ans, ma jeunesse m’échappe. Qu’en ai-je fait ? » Où sont nos 18 mois de mariage, notre maison et nos projets ? Je rêve du jour où nous serons de nouveau réunis. Mais quand ? »

Une fois de plus, Joseph se torturait de questions sans réponses, se raccrochant à un espoir qui chaque jour était ébranlé. 

« Dimanche dernier, en me promenant au bord d’un canal gelé près du camp, je me suis transporté en pensée au bord de notre rivière. Te souviens-tu des promenades d’été ? Tes sandales à la main, tu aimais tremper tes pieds dans l’eau fraîche. Moi, je choisissais des petits galets plats, car inévitablement, tu me demandais de faire des ricochets. C’est vrai que j’étais fort à ce petit jeu-là. Et puis assis sur un rocher, tendrement enlacés, nous regardions le soleil se coucher. Qu’il est beau notre village, j’en revois tous les détails maintenant que j’en suis éloigné. En haut de la colline, le point de vue est magnifique, les prés se déroulent en camaïeu de verts jusqu’à la rivière et les agnelets bêlent pour appeler leur mère. L’église romane domine le paysage, il fait si bon s’y reposer pendant les chaleurs estivales. »

« Jo, il nous manque un quatrième pour la belote, t’en est ? » À regret, Joseph abandonna son dialogue muet et descendit prestement du lit superposé. Il savait bien qu’il ne pouvait s’isoler trop longtemps, qu’il fallait rester dans la réalité de sa vie de prisonnier.

Belote, rebelote et dix de der. Jouer, rire, partager leur faisaient du bien à ces soldats si loin de leur patrie. Puis il faisait popote avec deux autres copains. Les gars mettaient en commun les denrées reçues de France. Ici, l’on ouvrait une terrine de lapin, là, on dégustait un bon poulet. Rolande venait d’envoyer des croquets, sa spécialité. Joseph en porta un à ses narines, il sentait bon les œufs et le beurre de pays, il sentait bon les mains de sa ménagère. Rolande avait relevé ses cheveux et noué, son tablier, une petite suée perlait sur son front tandis qu’elle pétrissait la pâte sur la table de la cuisine. C’était bien plus qu’un biscuit, c’était sa femme et sa campagne qui le rejoignaient dans son stalag.  

À la fin du mois de décembre, le quotidien des prisonniers s’allégea un tant soit peu, ils obtinrent quelques jours de repos. Le 20 au matin, Joseph s’octroya une petite grasse matinée. Il se leva juste à temps pour le jus de 8 h puis en sortant du réfectoire longea les barbelés au pas de course, histoire de rester en forme. Lorsqu’il regagna ses quartiers, la baraque bruissait d’excitation. Un prisonnier venait de placarder une affiche les invitant au grand spectacle du 24 au soir intitulé « Nos régions ».

Le jour de Noël dans l’après-midi, une fois de plus allongé dans son alcôve. Joseph reprit sa lettre secrète.

« Ma petite chérie, je reviens te parler et te souhaiter un bon Noël. Le mien ne fut pas désagréable. Hier, au soir, nous avons eu un dîner de « gala ». Un potage velouté aux vermicelles, du saumon en conserve cuisiné avec des petits légumes, des fromages et des friandises envoyées par vous tous. La Croix-Rouge nous a envoyé des confitures et du vrai café. Et ce mois-ci, le colis Pétain était sacrément bien garni avec une tablette de chocolat.

À 20 h, nous étions tous attendus au réfectoire transformé pour l’occasion en salle de spectacle. Une estrade avait été installée dans le fond de la salle et bientôt, la pièce fut comble et bruyante. De grands draps tendus sur un fil nous cachaient la scène. Comme au théâtre, on frappa trois coups, ce qui fit immédiatement taire tout le monde. Nous avions hâte de voyager dans notre beau pays avec les tableaux préparés par nos camarades.

Lorsque le rideau fut tiré, nous vîmes se dérouler une immense carte de France. Les acteurs présentèrent tour à tour des chants, des danses, des poèmes, des extraits de livres, des costumes de toute la France. Le clou du spectacle fut le french cancan, qu’ils étaient drôles nos copains déguisés avec leur robe à frou-frou. Mais tu aurais vu les décors, un moulin rouge et une tour Eiffel plus vrais que nature, que de talents dans notre camp ! Les applaudissements et les rappels n’en finissaient pas. Mais quand même, nous étions bien émus de nous être transportés l’espace d’une soirée par les routes de chez nous.

À 23 h, l’aumônier monta sur scène sous les applaudissements renouvelés. Il venait nous rappeler que la soirée se poursuivait avec la messe de minuit. La plupart des gars sont restés. Une équipe a vite remis la scène en ordre et a dressé l’autel. Le curé a sorti une grande croix qu’il a posée sur une nappe immaculée. Le silence est immédiatement revenu. Ce fut une belle cérémonie, personne ne s’est fait prier pour entonner les anges dans nos campagnes et il est né le divin enfant. Nous nous sommes couchés et levés tard et je passe maintenant mon après-midi avec toi ma Rolande. Je te serre contre moi et t’envoie tous mes baisers. »

Joseph se leva vers 17 h 00, sorti une feuille de papier à lettre, tailla sa mine de crayon et s’installa devant la table en bois pour écrire pour de bon.

Chère petite femme, j’ai reçu le colis du 15, le beurre était bien conservé, les croquets toujours aussi délicieux. Merci de tes vœux de bon anniversaire et de bon Noël. Ici, nous avons eu un repas amélioré et un beau spectacle sur nos régions. J’aurais besoin de chaussettes et d’une paire de sabots. J’espère que vous êtes tous en bonne santé comme je le suis moi-même. Je te serre tout contre moi, petite chérie. Bons baisers. Embrasse toute la famille. Ton chéri. Joseph

NB : Ce texte a été présenté pour le concours 2023 de La Nouvelle Gorge Sand (Thème retour aux sources). Il n'a pas été retenu parmi les 454 nouvelles envoyées. L'essentiel est le plaisir pris dans les recherches généalogiques, l'écriture et le partage. 

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Publié le 18 Septembre 2022

Jacques Gamblin et Fabien Héraud dans le film de Nils Tavernier "De toutes nos forces"

Jacques Gamblin et Fabien Héraud dans le film de Nils Tavernier "De toutes nos forces"

C’est la devise des compétiteurs d’une épreuve de triathlon géant appelé Ironman (homme de fer). Dans cette course hors norme, les participants nagent 3.8 kilomètres, réalisent un parcours cycliste de 180,2 kilomètres et terminent par un marathon de 42,195 kilomètres.

J’ai eu l’occasion cet été d’assister à ce défi titanesque qui m’a énormément émue et interpellée.  De l’aube au coucher du soleil, des hommes et des femmes de 18 à 70 ans, moulés dans des combinaisons de sport vont jusqu’au bout de leurs forces. L’organisation est à la mesure de l’événement, plus de 500 bénévoles se relaient pour préparer, accueillir, ravitailler, soigner… Sur le bord de la route les familles sont mobilisées avec des pancartes pour encourager leurs proches. J’ai même vu une dame qui ne connaissait personne en particulier mais qui semblait n’être ici que pour dire un mot valorisant à chacun. 

Dans le village d’arrivée règne une ambiance extraordinaire, un speaker non moins performant que les athlètes commente non-stop, encourage, harangue, félicite, fait applaudir les finishers*, le tout rythmé par une musique électro haut volume.

J’ai rapidement été happée par la course et traversée d’émotions contradictoires. Quel défi incroyable que d’aller au-delà de soi-même, quelle solidarité, symbiose avec le public, quelle énergie des bénévoles et retombées économiques pour la ville ! Et en même temps, quelle folie que de se faire mal à ce point-là ! Certains athlètes ne vivent plus que pour ce sport extrême, deviennent addicts d’efforts surhumains. Et quelle tristesse à 23 heures de voir les derniers, chanceler et tomber avant l’arrivée.

La nuit venue, le feu d’artifice a embrasé le ciel et il m’est revenu à l’esprit, ce film intitulé « De toutes nos forces ». Inspirée d’une histoire vraie, elle raconte comment un jeune de 17 ans en fauteuil roulant a réussi à entraîner son père dans un Ironman en duo. Le père déploie une énergie encore plus considérable en nageant avec son fils dans un canoë, en pédalant avec le jeune homme sur son guidon et en courant en poussant son fauteuil roulant. Dans cette histoire c’est la force de caractère du jeune qui permet au père d’avancer et de se reconstruire. Toute la famille en sortira grandie.

Alors, folie ou dépassement de soi ? Je vous laisse méditer sur le sujet !  

*Les finishers : ceux qui terminent la course.

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Publié le 22 Mai 2022

Le plomb se transformera en or - Nouvelle

Le dimanche 7 mai 1911, une charrette lourdement chargée s’arrêta devant une petite maison coquette. Marie-Augustine soupira de soulagement et informa Marie-Thérèse qu’ils étaient arrivés. La fillette poussa un cri de joie et, soulevée par son père, sauta gaiement sur le chemin. Puis Jean-Louis déposa avec précaution, son épouse enceinte de huit mois, aux côtés de leur fille.   

 Jean-Louis venait d’être embauché en tant que contremaître aux mines d’or du Châtelet dans la Creuse. À ce titre, il bénéficiait d’un logement de fonction dans la cité ouvrière. La maison était pimpante avec ses pierres de taille de couleur ocre. Elle était composée d’une grande pièce à vivre, de trois chambres, d’une cour et d’un jardin. Quelques voisins accoururent pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivants et pour les aider à décharger leur mobilier.

Marie-Augustine s’affala dans son fauteuil à bascule dès qu’il fut installé dans la cuisine. De son poste stratégique, elle pouvait ainsi diriger tranquillement l’emménagement.

Le lendemain, Jean-Louis se présenta à l’usine pour prendre ses fonctions, tandis que sa jeune femme prenait possession de leur logement, et la fillette du jardin.

Trois semaines plus tard, alors qu’elle attisait la cuisinière, Marie-Augustine ressentit les premières douleurs. Jean-Louis prit le temps de la faire allonger sur leur lit puis partit au pas de course chez la sage-femme qu’on lui avait indiquée. La mère Gaudry arriva pesamment vingt minutes plus tard, suivies de deux acolytes préposées aux accouchements des femmes d’ouvriers. On fit sortir le père et la petite fille, puis la sage-femme effectua son examen et opina du chef d’un air expert. Pendant ce temps-là, les voisines s’activaient dans la cuisine : l’une ralluma le feu, une autre tira une bassine d’eau et prépara des serviettes. Peu avant midi, ce 28 mai 1911, un petit André poussa son premier cri.   

Les Fallut se trouvaient bien au Châtelet, le salaire de Jean-Louis était confortable. À la cité, le loyer était modéré, le jardin, les poules et les lapins élevés par Marie-Augustine suffisaient à leur alimentation. Marie-Augustine s’entendait à merveille avec ses plus proches voisines, elles se rendaient service, allaient ensemble laver à la rivière. Le soir venu, les familles veillaient chez les uns ou chez les autres. Marie-Thérèse étudiait à l’école nouvellement construite pour les enfants de mineurs, tandis qu’André était devenu un garçonnet poupin. Le samedi, la famille délaissait le baquet de zinc pour se rendre au bâtiment de douches situé au bout de la rue, le luxe ! Le dimanche, Jean-Louis jouait dans l’équipe de football de la mine puis en fin d’après-midi, l’on dansait entraîné par le son des violons des Italiens.   

Trois années s’écoulèrent paisibles, rythmées par les saisons, les jeux des enfants, les petites joies et le labeur. L’année 1914, Jean-Louis obtint une promotion, sa femme pourrait bientôt s’acheter cette machine à coudre Singer qu’elle avait repérée dans le catalogue de Manufrance. En juin, à l’usine, le directeur qui recevait le journal avait informé ses contremaîtres de l’assassinat de l’archiduc François Joseph d’Autriche. Il parait que ça ne sentait pas bon et qu’on risquait d’avoir la guerre. Les ouvriers de la mine n’en firent rien, la plupart ne comprenaient pas bien le rapport. Aussi furent-ils abasourdis lorsque le 1er août dans l’après-midi, ils virent le directeur affolé aller de droite et de gauche, une dépêche à la main. C’était la mobilisation générale ! Aux villages de Budelière et du Chambon, le tocsin n’arrêtait pas de sonner pour avertir la population. En quelques heures, la mine se vida de ses hommes. Jean-Louis empoigna un baluchon, embrassa femme et enfants et rejoignit la longue colonne qui s’ébranlait vers la gare de Budelière. Il devait rejoindre le 121e régiment d’infanterie de Montluçon.   

Le 2 août 1914, la caserne grouillait d’activité et d’une sorte d’euphorie. Un à un, les hommes se transformaient en soldats en enfilant leur habillement militaire et en recevant leur paquetage. Dans l’attente d’embarquer pour le front, Jean-Louis s’isola dans un coin de la grande cour et écrivit à son épouse : « Ma Chère Femme, ne porte pas peine pour moi, je suis très bien. Nous partons dans une huitaine de jours, mais nous ne risquons absolument rien.

Aie bien soin de mes petits et embrasse-les bien. Je t’embrasse bien fort. Jean-Louis ».

Le 7 août, les soldats traversèrent Montluçon au pas cadencé, la population massée sur les trottoirs et aux fenêtres leur fit une ovation jusqu’à la gare. Sur le quai, des jeunes filles leur remirent des petits bouquets de fleurs qu’ils s’empressèrent d’accrocher à leur fusil. Le 8, le régiment arriva près d’Epinal dans les Vosges. Puis les soldats marchèrent pendant quatre jours à travers les bois de sapins et les bruyères, presque une promenade de santé songea Jean-Louis pour se donner du courage. Le 12, ils entendirent gronder le canon pour la première fois puis traversèrent Badonviller en flammes. Les fusillades crépitaient non loin et ils prirent soudain conscience que le front était tout proche. Le 14, le commandement les informa que le combat était imminent. Croulant sous leur barda, les pieds endoloris, la tête bourdonnante, ils traversaient à présent des villages ravagés. Ils croisaient des habitants hébétés et avançaient dégoulinants, dans les blés trop murs et la chaleur insupportable. En milieu d’après-midi, la troupe arriva au village de Petitmont vidé de ses habitants. Les éclaireurs informèrent le commandement que les Allemands étaient postés dans les bois au nord du village. Le sergent Fallut encouragea ses hommes, il fallait être braves, car on allait bientôt se battre.

La nuit tombait à peine lorsque l’ordre fut donné d’attaquer. « En avant ! hurla un officier. » Les bataillons s’élancèrent vers l’ennemi en criant un grand « hourra !». La baïonnette au fusil, entraîné par la troupe, Jean-Louis courut au travers d’épaisses fumées. Les mitrailleuses allemandes fauchaient les jeunes combattants. Les obus explosaient et creusaient de grands cratères sanguinolents. Les camarades de Jean-Louis tombaient comme des mouches, les corps retombaient déchiquetés à ses côtés. Il comprit qu’il n’échapperait pas la mort et qu’il allait s’éteindre là dans cette terre inconnue. Il continua malgré tout à foncer. Ses dernières pensées s’envolèrent vers Marie-Augustine, Marie-Thérèse et André quand il fut brutalement soulevé et se dispersa dans le sol vosgien.

À la mine devenue muette, les femmes erraient dans l’attente du facteur. La première lettre de Jean-Louis avait un peu rassuré Marie-Augustine. Puis les semaines s’ajoutèrent aux semaines et la jeune femme ne recevait pas d’autres nouvelles. Fin septembre, elle se décida à contacter l’armée, la Croix-Rouge et tous les organismes susceptibles de lui communiquer des renseignements. Elle ne reçut que des missives contradictoires et des encouragements à patienter. Une année interminable s’écoula remplie d’inquiétude, de questions et puis peu à peu de désespoir. Un jour, elle fut enfin convoquée à la mairie. Le cœur battant, tenant ses deux enfants par la main, elle effectua à pied les quatre kilomètres qui la séparaient du village de Budelière. Un officier d’état-civil lui annonça sans ménagement que son mari était décédé le 14 août 1914 et lui tendit l’acte de décès. Le mince espoir auquel elle se raccrochait s’effondra définitivement. La mort de son époux était devenue officielle. Mon Dieu ! qu’elle avait espéré qu’il ne fût que blessé, inconscient, amnésique. Elle avait même prié pour qu’il fût amputé, aveugle, défiguré… Il était mort depuis longtemps, depuis les premiers jours de la guerre. Elle regarda ses deux petits qui ne comprenaient pas bien les larmes de leur maman, puis reprit à pas pesants le chemin de la mine. Une fois dans sa maison, elle envoya jouer les

enfants dans la cour puis s’écroula dans sa chambre. Un peu calmée, la belle épouse du sergent valeureux troqua son corsage blanc contre une vilaine robe noire. Elle était devenue veuve de guerre.

Le directeur de la mine lui annonça le lendemain qu’elle n’était plus légitime à la cité minière et qu’elle devait quitter le logement sous un mois. Cette dernière année avait englouti toutes les économies du ménage, sans ressources et sans maison qu’allaient ils devenir tous les trois ?

On lui apprit que ses enfants étaient devenus des pupilles de la nation et qu’elle bénéficierait d'une pension. En attendant la régularisation de la situation et les subsides de l’état, elle décida de rentrer à Montmarault dans son village natal. La famille les hébergerait un temps.

À Montmarault, elle trouva à s’employer chez des particuliers pour faire des ménages et des lessives. Elle loua par la suite une toute petite maison où elle s’installa avec les enfants. La journée, elle travaillait jusqu’à l’épuisement. Le soir, elle s’occupait de la cuisine et des enfants et leur souriait sans cesse en leur parlant de leur papa. Le dimanche, elle lavait, reprisait, tricotait et s’éreintait dans le jardinet. La nuit venue, elle laissait couler son chagrin dans son grand lit vide. Le corps de Jean-Louis ne fut jamais retrouvé, c’était dur de n’avoir aucune sépulture pour se recueillir. Ainsi, de temps en temps, elle déposait un bouquet de fleurs au pied du calvaire.

En 1920, on invita Marie-Augustine à l’inauguration du monument aux morts dans ce village de la Creuse où ils furent si heureux. Elle ne put s’y rendre, mais fut soulagée que le nom de son époux fût enfin gravé quelque part.

Peu à peu, le chagrin s’estompa et Marie-Augustine recouvra une sorte d’équilibre et de sérénité. Marie-Thérèse, très bonne élève, obtint le Brevet Supérieur, tandis qu’André à douze ans entrait en apprentissage chez un menuisier. Mais peu après, en soulevant une lourde planche, le jeune garçon se rompit la colonne vertébrale. Transporté d’urgence à l’hôpital de Montluçon, on lui diagnostiqua un mal de Pot, une sorte de tuberculose osseuse grave. Dans ce nouveau malheur, c’est son statut de pupille de la nation qui lui permit d’être pris en charge pour les longs soins onéreux. Sa santé stabilisée, il bénéficia pendant sept années de séjours de convalescence en bord de mer. À cette époque, il était bien rare de sortir ainsi de son village. Tous ces séjours lui permirent de s’instruire, de rencontrer toutes sortes de personnes, de s’ouvrir l’esprit et de reprendre des études. À vingt ans, concours en poche, il entra au

Trésor public et gravit les échelons de cette administration. Sa grande sœur, quant à elle, était devenue infirmière et assistante sociale et aidait les plus démunis.   

Les jeunes gens restèrent marqués leur vie durant par ce décès précoce et brutal de leur papa.

Mais le courage et l’abnégation de leur maman leur montrèrent l’exemple et les poussèrent à aller vers autrui.

De cette histoire de la guerre et de l’amour découlèrent de belles valeurs. Elles se sont transmises de génération en génération et nous sont parvenues, à nous arrières petits-enfants.

Nous les avons transmises à notre tour à nos enfants.    

Cette histoire courageuse de mon arrière-grand-mère m’a également montré la route et m’a apporté beaucoup d’espoir lorsqu’à mon tour, je suis devenue veuve.

 Les épreuves font partie de la vie, nul n’y échappe. Lorsque les temps sont durs, gardons foi en cette espérance que rien n’est jamais figé. Le temps et le courage transforment toujours le plomb en or. 

Fin

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Publié le 24 Décembre 2016

Rituels de Noël chez Rolande

C’est l’effervescence chez Rolande quand revient Noël. C’est le jour où la maison et les convives revêtent leurs habits de fête. D’ailleurs peu importe si ce n’est pas précisément le 25 décembre, l’essentiel est de trouver une date qui rassemble la vingtaine de membres de la famille.

Rolande à 88 ans, c’est son dernier Noël mais elle ne le sait pas et l’on ne le sait pas. On ne sait jamais lorsque c’est la dernière fois et c’est pour ça qu’il est si important d’être là lorsqu’il est encore temps.

Pour le moment, elle trottine du four à la cave, de la salle à manger à la cuisine.

Le jour est arrivé et tout à l’heure la petite maison raisonnera des cavalcades des enfants, des rires des ados, des conversations des plus grands.

Tout est prêt, la grosse dinde repose sur le rebord de la cuisinière, elle embaume jusqu’au jardin, elle est dorée à point entourée de ses oignons caramélisées. Les asperges et leur sauce mousseline sont prêtes à déguster, le foie gras et ses toasts attendent d’être dressés.

La table de la salle à manger est démesurément longue et encombre tout l’espace, Rolande a rajouté des chaises et des tabourets et a sorti la nappe de fête, la vaisselle en porcelaine, les couverts en argent, les serviettes brodées….

Derrière la table, il y a le long buffet surmonté d’un grand miroir. Sur le buffet une collection hétéroclite de bibelots, de fleurs séchées, d’assiettes pour le service, la soupière en gré remplie de pâtes de coing et l’immense compotier débordant de clémentines, de noix et de raisins.

Rolande a accroché des guirlandes ici et là, dans le philodendron, dans le bouquet de chardons, après le cadre du pépé. Il y a des banderoles « Joyeux Noël » et « Bonne année » qui sont accrochées aux lustres rustiques. Le décor est désuet mais nous n’en voulons pas d’autre tant il nous est familier et rassurant.

A midi, les invités arrivent et entrent dans la danse des embrassades, de la joie de se retrouver, de l’émerveillement des enfants qui ont grandi, des questionnements du devenir des uns et des autres. Et l’on trinque à la santé de chacun en grignotant des mises en bouche.

Rolande préside au bout de la table, du côté de la cuisine, prête à jaillir à la moindre demande. Dans un rituel organisé se sont pourtant les convives qui à tour de rôle servent et desservent pour que la maitresse des lieux se repose et profite des siens. Les mets s’enchainent entrecoupés d’une blagounette, d’un jeu, d’une devinette…Les petits récitent quelques poèmes ou chantent papa Noël. Et puis voici les bûches, elles arrivent sur la table avec toujours un grand succès. Je sais qu’il y aura ma préférée au grand marnier tandis que d’autres se lèchent déjà les babines de celles au chocolat ou praliné. Les enfants réclament un champignon en meringue ou l’un des personnages décoratifs. Mémé Rolande sort ses coupes, de vieilles coupes en cristal ciselé qui datent de son mariage tandis que le bouchon de champagne saute dans un cri de joie général. Et l’on trinque à nouveau en trempant nos lèvres dans les bulles de la fête.

Et puis c’est l’heure de la vaisselle avec son organisation rodée pour débarrasser et faire la chaine devant le minuscule évier de la cuisine. Quelqu’un enfile le tablier en plastique de mémé et rempli de Paic le bac en inox, les femmes essuient, les hommes remportent la vaisselle propre, les gamins courent partout.

Puis peu à peu de petits groupes se forment, on papote dans un coin, on joue à la belote, au Trivial Poursuit, on organise des défis et mémé sort les assiettes de chocolats que l’on picore de gourmandise jusqu’au soir venu.

Vers les 20H, on se remet à table sans faim pour un petit potage, une tranche de galantine et le reste de la dinde avec une salade. Arrivés au dessert, Rolande s’éclipse doucement et chacun fait mine de se demander où elle a bien pu passer. Elle revient peu après, les bras chargés de cartons.

C’est l’heure de la distribution !

Dans une hiérarchie immuable, chacun reçoit ses petits cadeaux.

Les bébés ont droit à une boite de boudoirs et un petit jouet.

Les enfants reçoivent un jouet, une enveloppe et un sachet de chocolats.

Les couples de ses petits-enfants touchent une boite de chocolats et une enveloppe.

Les couples de ses enfants une boite de biscuits Delacre pour les dames, un sachet de chocolats pour les hommes et une enveloppe.

A notre tour, nous offrons quelques présents à Rolande et d’une année sur l’autre, elle s’extasie d’un nouveau chapeau, d’une robe de chambre, d’un repose pied, d’un micro-ondes ou d’un collier…

La nuit avance, il est l’heure de plier la table, de ranger les chaises et la vaisselle… La salle parait d’un coup immense et l’on ferme les persiennes qui étaient restées ouvertes.

Demain blottie dans son fauteuil devant les chiffres et les lettres, Rolande sourira encore de cette belle journée de fête.

 

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Publié le 6 Décembre 2016

Paris/Aubervilliers, hiver 1984

Paris gare de Lyon 

Emmitouflée dans ma doudoune blanche, une valise à la main et mon sac au dos, je débarque sur le quai le cœur battant.

Happée par les passagers qui se pressent rapidement vers la sortie,  je me retrouve bientôt sous la verrière. Chacun a l’air de parfaitement savoir où il va et moi je me fige, seule au monde, au milieu de cette ruche bourdonnante. La tête me tourne de toutes ces indications qui m’agressent : Métros, Bus, Taxis, Sorties….  

Je connais pourtant mon itinéraire par cœur, je l’ai étudié au moins dix fois dans ses moindres détails et j’ai dans la poche mon petit guide rouge au cas où.

Le malaise est passé, croulant sous mon barda,  je bouge à nouveau, en direction du métro. Un jeune homme me bouscule dans les escaliers et dévale les marches quatre à quatre. Un tuuuuut indique que les portes vont bientôt se refermer mais il saute malgré tout in extrémis dans la rame et esquive la porte dans un déhanché trahissant l’habitude. J’entends ensuite un couinement métallique et je vois le train s’engouffrer sous le tunnel noir. 

Je me range prudemment le long du mur en regardant avec peur la fosse au fond de laquelle courent les rails électrifiés. En attendant le train suivant, je scrute curieuse cet environnement insolite. Les néons blafards éclairent la station, sur le quai au mur carrelé se détachent en lettres blanches sur fond bleu "Gare de Lyon" , un clochard est étendu de tout son long sur des sièges en plastique, à ses pieds une bouteille de vin à demi pleine et un sac poubelle qui cache à peine ses quelques hardes.

Le silence se fait quelques secondes puis l’on entend de nouveau le grincement du métro et le claquement des portes qui s’ouvrent.

A peine suis-je montée dans la rame que la sonnerie longue et stridente retentit. Les voyageurs s’entassent, casent leurs valises entre leurs pieds. Les odeurs se mêlent, les corps se touchent, les mains s’accrochent aux barres métalliques maculés de traces  de doigts sales. La rame s’ébranle en secouant ses passagers, je m’habitue aux bruits de ferrailles, aux grincements des freins, aux sonneries monocordes, aux portes automatiques qui s’ouvrent et se referment à chaque station. Accrochée à mon sac à main en bandoulière, je jette régulièrement  un coup œil à la ligne affichée au-dessus de la porte. Je descends à Châtelet et je me surprends comme les autres à accélérer la cadence dans les interminables couloirs.

Puis je me pose sur un strapontin dans une rame presque vite et je suis des yeux le défilé des stations avant de descendre à mon terminus  Aubervilliers Quatre chemins.

Aubervilliers

 En  descendant la grande avenue, le choc est grand. Où sont mon petit village, le magasin de mes parents, ma maison douillette, mes amis d’enfance, mon chéri...Je suis de nouveau perdue dans la grande ville, seule sur un bout de trottoir où une foule cosmopolite va et vient indifférente à ma présence. Je soupire résignée et je me dirige courageusement vers le foyer de jeunes travailleurs qui va m’héberger durant trois années.

Je découvre un immeuble de neuf étages aux façades ornées de plaques en béton moulurés et de carrés  colorés.  Je suis exténuée et bien contente de découvrir enfin  mon domaine. Je loge au 4ème étage, tout au bout d’un couloir. La chambre aux rideaux jaunes dispose d’un petit lit, d’une commode avec un plan de travail amovible qui s’adapte astucieusement sur le bois du lit. Il y a un lavabo caché derrière un rideau et un petit placard / penderie. La fenêtre s’ouvre sur un minuscule rebord qui servira l’hiver de réfrigérateur et l’été de sèche-linge. La vue est imprenable sur la caserne des pompiers en construction et sur la ville grise. Les douches et les toilettes sont au palier, le self-service au 9ème étage.

J’ai l’impression de me retrouver à l’internat du lycée, la liberté de mouvements en sus.

Toute la journée, un haut-parleur appelle des locataires au téléphone, on prend la ligne sur le palier pour des conversations dont profite tout l’étage. 

Les premiers temps des voisins bien intentionnés ne cessent de venir frapper à ma porte pour me souhaiter la bienvenue, m’inviter à boire un pot ou m’emprunter un fer à repasser à trois heures du matin.

J’ai envie de pleurer, j’ai peur et je me demande ce que je fais là. Je ne suis encore qu’une gamine de 19 ans mais je ne peux plus reculer, je démarre le lendemain matin mon 1ère emploi au centre de recherches Rhône-Poulenc  et ça c’est quand même une belle opportunité!

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Publié le 18 Novembre 2016

Allo Béa, j’y vois plus très clair

Allo Béa, ça va?

Moi, hier, j’étais chez l’ophtalmo au centre hospitalier, c’est flambant neuf dis donc! A l’accueil il y a un distributeur de tickets pour attendre ton tour aux guichets comme au rayon fromages de l’hyper.

J’étais à peine arrivée que mon numéro s’est affiché sur le compteur numérique mais je ne savais même pas où me diriger.

En fait c’était inscrit : N°56, guichet 4 . J’étais pas plus avancée, je voyais pas lequel c’était le 4.

Mes yeux balayaient de gauche à droite, de haut en bas tous les postes d’accueil et je ne voyais pas. Surtout qu’il y avait deux nénettes qui bavardaient et qui n’avaient pas vraiment l’air d’être en service.

Madame c’est inscrit au-dessus me souffla une voix.

Ah, oui, un énorme 4 se détachait en noir sur le bandeau du comptoir, il était tellement gros que je ne l’avais pas vu.

Oui, tu l’as dit, il était temps que je le fasse mon contrôle ophtalmo.

Me voilà donc à mon guichet assise sur une fesse.

- Carte vitale, carte de mutuelle, carte d’identité, adresse, téléphone… me demanda la voix automatique de la secrétaire médicale.

Et là j’ai pensé en farfouillant dans mon sac: J’ai un alibi madame, j’vous jure, j’ai rien fait.

Et tandis qu’elle enregistrait mes documents, voilà que la fille me dit joyeuse et affirmative : On se connait.

Et là, je l’ai regardé ahurie alors qu’elle enchainait: Mais si, rappelle-toi, je suis Machine Duchmole, on a travaillé ensemble, il y a dix ans. C’était du temps de Jacqueline Bidule et Mauricette Truc chose.

- Ah oui Machine, lui répondis-je en feuilletant en accéléré ma mémoire décennale. Bin dis donc, je t’aurais pas reconnu ! Tu m’as reconnu toi?

Et dans ma tête, je me récitais avec l’accent, la réplique culte de Rabbi Jacob

 Ti me riconnais, non et bien moi non plus

- Ne ris pas Béa, c’était exactement ça.

Et la fille a poursuivi: Oui, je t’ai reconnu tout de suite, t’as pas changé.

Tu parles, elle tenait ma carte d’identité dans sa main la flatteuse Et bla, bla, bla qu’est-ce que tu deviens et tu te rappelles et bla, bla, bla….  

Bon, allez va t’installer dans le salon rose, on va t’appeler.

Pour être roses, elles sont roses les banquettes de la salle d’attente n° 1 et elles étaient archi bondées au point que deux personnes ont dû s’écarter pour me faire une petite place.

Il faisait chaud, tu peux pas savoir. J’ai quitté mon manteau que j’ai dû garder sur mes genoux avec mon sac, j’ai serré les fesses, j’ai rentré mes jambes et recroquevillée sur mon siège, en apnée, j’ai commencé à patienter dans mes vingt centimètres carrés qui ne respectaient pas du tout , du tout ma zone d’intimité.

Tu y es déjà allée Béa depuis les rénovations? Non et bien la salle d’attente est ouverte sur un long couloir bordé de portes bleues. Les praticiens sortent à intervalles réguliers et appellent les patients: Mme Jacquet, M Vignon, la petite Chloé Dubourg, Famille Girard et les gens se lèvent, rentrent et sortent et se rassoient puis sont de nouveau appelés dans un balai incessant.

Je ne comprends rien, de rien à leur système en ophtalmo.

A un moment, un médecin pas commode a appelé : M Belleville, M Belleville, M BELLEVILLE.

L’homme n’était  pas là. L’ophtalmo est sorti dans le couloir, s’est rendu dans la salle d’attente jaune, s’agaçant en appelant encore plus fort encore

M BELLEVILLE

puis il a fini par hausser les épaules en consultant sa liste.  

Peu après à l’autre bout du couloir,j’ai été appelée par un orthoptiste,

Oui Béa, un orthoptiste, un jeune mec au jean slim, en baskets avec une blouse ultra courte qui semblait sortir de la cours du lycée.

- Bonjour madame, je vais vous faire un examen de vue et ensuite vous verrez le docteur.

Et oui, ce sont les orthoptistes qui font les examens de vue maintenant.

Menton, front dans la machine. A vos marques prêt, lisez!

Œil gauche : Impec

 

Œil droit: Les petites lignes étaient flous, je ne voyais rien

Il a mis un verre correcteur et m’a demandé si c’était mieux ou moins bien.

Et moi, je n’ai vu aucun changement comme à chaque examen de vue que je fais depuis que je suis petite.

Et dix fois de suite il a bidouillé ses verres en s’acharnant : mieux ou moins bien, mieux ou moins bien….

Et moi, dix fois:je lui ai répondu : idem.

Il s’est acharné en me demandant de fixer le L et de me concentrer. c’est mieux ou moins bien a-t-il éructé pour la xième fois.

Je me disais, il faut surement que ça soit mieux alors je lui dis : Heu peut être mieux, encore que remettez celle avant, heu non en fait non celle-là est mieux, heu non en fait ça change rien. Je vous assure, c’est PAREIL

Et le mec ne comprenait toujours pas que je ne vois pas mieux avec un correction et  il a décidé de m’envoyer à l’imagerie pour être plus sur, a t’il ajouté.

- Ah bon, ai-je dit étonnée, vous savez ce problème-là, je l’ai depuis l’enfance, il y a rien de nouveau.

Et là, une lumière s’est allumée dans sa tête d’orthoptiste. Le jeune blanc bec à slim qui lui comprimait les coucougnettes sous sa blouse ultra courte m’a demandé si j’avais déjà eu un strabisme.

Je lui ai répondu que oui lorsque j’étais petite et il m’a demandé s’il était convergent ou divergent (le strabisme, lol). Et devant mon ignorance, il a décidé de faire un examen d’orthoptie complet.

Il a saisi un petit crayon terminé par un cube dont les faces étaient recouvertes de dessins enfantins et il m’a demandé de bien fixer le petit chaton.

Et il élevait la voix : NON NON sans bouger les paupières, ouvrez grand les yeux, regardez, Ne BOUGER PAS LA TÊTE , fermez, regarder, fixez,….

Tu parles qu’au bout de 5mn, n’importe qui verrait double à ce petit jeu-là.

- Effectivement, vous avez une petite séquelle de strabisme conclut-il content de lui.

A l’ouest rien de nouveau pensais- je mais bon, cet examen apparemment me dispensait de radio.

Je suis retournée m’asseoir dans l’espace rose fuchsia en attente de l’ophtalmo quand soudain blanc bec me rattrape, se ravise et m’envoie finalement en salon bleu pour l’imagerie.

Et là je me suis mise à baliser. Merde, ai-je pensé, de quoi a-t-il peur Slim-man. J’ai la DMLA, je vais devenir aveugle? Et je me suis jouée la scène de Marie dans la petite maison dans la prairie où elle hurlait: PAPA JE VOIS PLUS RIEN C’EST TOUT NOIR, NE ME LAISSE PAS.

Bref après le rose, me voilà dans la salle d’attente bleue où je me raisonnais en me disant que cet orthoptiste frais émoulu de l’école faisait un peu de zèle quand même.

A mes côtés, une jeune femme au téléphone se souciait peu de ses voisins.

 - Là, j’suis avec mémé qui passe des examens, bon ce soir on a Elodie et Fred, on fait une raclette. Allons puce quand même une raclette, c’est facile. Tu achètes de la charcuterie, du jambon blanc, du jambon sec, de la rosette, du salami, du chorizo pour toi et de la coppa elle dit mémé. Quoique j’aime pas la coppa, moi! Des patates, on en a des patates. T’aime mieux les roses, t’es difficile quand même et bla, bla, bla , bla. Bon j’vais te laisser, ça grésille là chéri, ça doit v’nir des appareils de l’hôpital…

Je te jure Béa, c’était palpitant la saga du saucisson!

Une heure plus plus tard, rebelote, menton et front dans le truc à imageries et j’ai demandé à la technicienne quel était cet examen et ce qu’on me cherchait? Elle m’a répondu laconique que je verrais avec l l’ophtalmo.

Ça m’a bien rassurée!

Nouvelle heure d’attente à flipper juste distraite par le nouvel appel de M Belleville qu’on avait enfin retrouvé.

J’ai enfin entendu mon nom et au bout du couloir et j’ai vu débarquer dans un ralenti parfait LE BEAU GOSSE, genre docteur des séries américaines, cheveux faussement ébouriffés, blouse négligemment ouverte, chaussures vernies et parfum envoutant.

C’était MON ophtalmo.

Et je me suis dit, ouh la la, je le vois très, très bien, je ne suis pas aveugle du tout, du tout.

Je me je me suis alors dirigée cheveux au vent vers la salle de consultation.

Beau gosse m’a demandé si j’avais des problèmes de santé. Je lui ai répondu non en bafouillant.

Il m’a expliqué que l’orthoptiste ne parvenait pas à obtenir dix à mon votre œil droit y compris en le corrigeant et qu’il fallait mieux vérifier. Deux minutes plus tard, il m’annonça que l’examen était normal.

Oui, Béa, tout ça pour ça. Après tu te demandes pourquoi y’a un gouffre à la sécu.

Sans rire, en deux heures de temps, j’ai vu trois autres dames qui ont été envoyées à l’imagerie.

Et bien Béa, c’est très utile les visites de contrôle, j’y vois d’un coup beaucoup plus clair.

Il faut bien rentabiliser les appareils dernier cri

du service ophtalmologique tout neuf!

Allez salut, à +

 

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Publié le 20 Septembre 2016

La fille qui ne voulait pas s’inscrire sur Facebook

Chère cousine,

Tu te souviens du jour où je t’ai proposé de t’inscrire sur Facebook pour recréer des liens qui se sont émoussés entre nous au fil des années?

Tu me répondis avec ironie et une fin de non-recevoir :

 Moi,  MES amis sont de chair et d’os

J’aurais pu me vexer de ce cliché grossier et combien restrictif mais je suis restée stoïque devant tes préjugés et ton refus de t’ouvrir aux nouveaux moyens de communiquer.

Comment peux-tu avoir une opinion aussi tranchée sur quelque chose que tu ne connais pas ?

Sache que Facebook, c’est trente-trois millions d’utilisateurs français.

Depuis sa création en 2004 et son réseau d'étudiants, il a gagné toutes les couches et les âges de la population. D’ailleurs les jeunes ont tendance à le délaisser pour des réseaux plus actuels. Ils ne veulent plus y trouver leurs parents et même leurs grands-parents.  

Alors tu vois, les plus de cinquante ans y sont largement représentés!

Ce mot « ami » qui a suscité ta réaction sont des personnes que l’on autorise et qui nous autorise à lire et commenter nos publications. Ce sont nos correspondants si tu veux.

Les principaux contacts de chaque utilisateur sont des gens de sa famille, des collègues, l’entourage, des personnes avec qui il a des relations sociales habituelles.

On trouve aussi dans le listing d’amis, des personnes rencontrées fortuitement au club de gym, à l’association du quartier, en vacances, en formation… On échange son "FB" comme autrefois son adresse postale.

Et puis tu sais, chacun partage ce qu’il veut bien dévoiler de sa vie, chacun maitrise son degré de diffusion et de confidentialité et la teneur qu’il donne à ses publications. 

Chacun reste libre et responsable de son profil.

Il y a de l’humour, les fleurs du jardin, la tarte aux pommes de mamie, les premiers pas d’Hugo, Marion à la plage, la rentrée  scolaire de Sophie, les tests préférés de Cécile, les jeux de Grégoire, les liens sérieux de Marie ….

Il y a autant de publications que de Facebookers  

Chacun prend plaisir à partager un peu de sa vie, à dévoiler un peu de sa personnalité, de ses engagements, de ses hobbies, de son blog

On commente, on s’amuse, on clique sur j’aime, j’adore, hi-hi, grr et l'on insère ces petits smileys rigolos 😃   🌈  🌸  💝  🚲  ⛵  😱  👀  👏   :*   🎩  🌴  👱

 C’est un peu régressif mais j’aime ça de ne pas trop me prendre au sérieux, de rire, de provoquer de réactions et d’avoir l’opportunité de créer des connivences.  

Mais Facebook, ce sont aussi des pages, des groupes à thèmes, des services, des entreprises, des médias…. les internautes se regroupent autour de centres d’intérêt, de causes à défendre.

Les gens font connaissance en ligne, échangent des idées, se soutiennent, s’entraident et finissent par devenir des familiers. Ces amitiés sont brèves ou plus durables et de nombreuses personnes se rencontrent un jour en vrai.  

Ce sont des relations actuelles, complémentaires des relations hors internet.

Il y a également une messagerie instantanée privée, Messenger.  

Malgré l’éloignement géographiquement, elle permet de rester en contact avec la famille, les amis. Elle permet de rester proches. Nous avons l’impression de ne jamais vraiment nous quitter tant nous faisons partie de la vie des uns des autres.

Le virtuel ne l’est plus vraiment tant la réalité s’imbrique avec le numérique. C’est un coucou, une photo, une conversation, une invitation, un rendez-vous, un livre, un film, une chanson, un article, un bon anniversaire, une bonne nuit, un bisou...

Alors chère cousine, tu ne fais pas partie de mes contacts virtuels puisque Facebook ne t’intéresse pas.

Et d’autre part comme ma chair et mes os ne gravitent malheureusement pas vers chez toi et que les tiens ne viennent pas chez moi, j’en conclus que nous ne sommes pas vouées à être amies. Nous sommes justes cousines, de fausses cousines qui ne se voient plus mais qui auraient pu retrouver une complicité grâce à un réseau social. Dommage!

Allez, sans rancune, rendez-vous en janvier sur nos cartes de bonne année ! 😜

 

La fille qui ne voulait pas s’inscrire sur Facebook

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Publié le 18 Septembre 2016

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Publié le 7 Septembre 2016

Allo Béa, je passe en caisse

Allo Béa, ça va ?

Moi ? Oh si tu savais, je reviens de l’hyper, une vraie galère. Ça grouillait de monde là-dedans et avec les travaux d’agrandissement, quel bordel!

Tu trouves les saucissons en face des soutiens-gorge…Tu te rends compte, ça fait envie !

Après une heure de slalom, j’arrive enfin en caisse et là t’aurais vu, que des files interminables et des chariots archi bondés.

Bon, je me décide pour la six et comme d’habitude, je vois que la sept avance plus vite.

Y’avait un môme qui braillait dans un caddy et la mère qui ne disait rien. Ça sentait le camembert et il faisait chaud, l'horreur!

Et là, ça avance plus et qu’est-ce que je vois trois places devant ? La caissière qui téléphone et puis une employée à roulettes qui file dans un rayon.

Manquait plus que ça !

Allo Béa, je passe en caisse

Quinze minutes plus tard,  je positionne enfin le chevalet « client suivant » et  je déballe mes courses sur le tapis roulant, tu sais les grosses courses du samedi.

Le tapis était bondé, j’entassais les derniers trucs en équilibre en priant que rien ne tombe et j’attendais que la cliente précédente ait fini de remballer.

L’hôtesse de caisse en a profité pour passer un petit coup de pschitt puis elle a causé à sa copine : Eh  Jeanine c’est quand ta pause et bla, bla, bla… Elle a ensuite fait tourner son tabouret, mit ses doigts à sa bouche, replacé une mèche de cheveux et baladé son regard vide de droite à gauche en attendant que la cliente règle ses achats.  

A un moment, ses yeux ont croisé les miens. Je lui prépare alors mon plus beau sourire et un bonjour. Et bin, tu m’aurais vu, je me suis retrouvée toute conne avec mon sourire avorté et mon bonjour ravalé. Elle ne m’a pas calculé, mais alors pas du tout, du tout.

Puis j’ai vu ses grands ongles manucurés tapoter d’impatience car la cliente n’en finissait pas de chercher sa carte de crédit.

Enfin, c’était mon tour, j’ai franchi le portique de sécurité, soulagée de ne pas sonner. Mais si rappelle-toi Béa, la fois où je me suis retrouvée pieds nus car mes chaussures n’avaient pas été démagnétisées.

Allo Béa, je passe en caisse

Bref,  je me mets en mode turbo, sac en bandoulière et mains automatiques pour saisir mon premier article et là j’ai droit au protocole « Accueil de caisse ». Tu sais, le sourire ultra Bright  assorti du bonjour monocorde. Et pis c’est tout, ma vieille, j’ai pas eu un mot de plus, la fille s’est mise à scanner et moi à speeder.

Je me suis mise à remplir mes sacs à l’arrache car les courses déboulaient genre pop-corn qui sortent d’une casserole sans couvercle.

A un moment, j’ai vu son avant-bras qui poussait le tas qui s’accumulait parce que je n’allais pas assez vite.

J’ai senti une petite suée sur mon front parce que j’avais encore plein de trucs à ranger. Et là, j’ai entendu la voix aigüe qui m’annonçait le prix à payer, réclamait ma carte de fidélité et mon pedigree …. Et moi je pensais, purée, si les œufs s’en sont sortis, j’aurais de la chance. 

Payement accepté!      

Elle m’a alors tendu les deux mètres de ruban de caisse et m’a dit au revoir.

Une boîte de cassoulet encore à la main j’ai voulu répondre au revoir mais elle ne me regardait déjà plus. Un jeune homme à barbe venait de passer le portique protocolaire.

Sourire, bonjour, scanne des packs de bière.

J’ai poussé vite fait mon chariot dans l’allée pour dégager le terrain, me débattant  avec ma carte, mes tickets à plier, un chou-fleur qui se barrait et j’ai pensé comme dans un jeu quand on regagne son camp : ouf, je suis sauvée !

Allo Béa, je passe en caisse

 Sinon Béa, t’as essayé le Drive ? Confortablement installée dans ton canapé, tu mets des articles dans ton panier virtuel et tu les récupères au dépôt à l’heure qui te convient.

Je te préviens quand même, fais gaffe de bien cliquer où il faut. Un jour, je me suis retrouvée avec deux lots de 6 boîtes de thon et trois kilos de courgettes.

Non mais sinon, c’est bien le Drive, l’employée est vachement plus aimable qu’en caisse.

T’as qu’à voir? Y’a pas longtemps au moment de récupérer ma commande, elle m’annonce qu’il manque les melons. Je lui demande comment ça se fait vu qu’ils étaient disponibles sur le site. Et voilà qu’elle me toise en me disant que ce n’est plus la saison. J’en suis restée coite, c’est vrai que fin août, c’est plus la saison des melons ! 

Bon, en fait, ce que je préfère, c’est la solution scanette. Tu connais l’adage on est jamais mieux servi que par soi-même.

Tu passes ta carte sous un lecteur, tu saisis la scanette qui clignote et tu vois s’afficher : Bienvenue Madame Cliente.

Enfin quelqu’un de sympathique dans ce magasin.

Allez Béa, bisous, à plus.

Allo Béa, je passe en caisse

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