Souvenirs, souvenirs ........du tourne-disques d'Hélène
Publié le 8 Février 2016
Hélène vient de fêter ses 17 ans en ce mois d’août 1958. Cette grande jeune fille mince et dégourdie murit son projet depuis le début de l’année.
En janvier, lorsque dans le catalogue Manufrance (l’Amazon sur papier de l’époque) est arrivé, elle a de suite repéré cet objet moderne qui lui fait tant envie. Son bonheur se trouve à la page 442 : un tourne-disque portatif.
C’est la nouveauté de l’année, une valisette à couvercle amovible qui contient un haut-parleur avec dans la partie inférieure un moteur entrainant un plateau rond.
Au centre du plateau, une broche permet de positionner les disques micro sillons, 45 et 33 tours. Pour le faire fonctionner, Il faut déposer délicatement un bras articulé au bord du disque vinyle, le petit saphir est ensuite guidé en spirale jusqu’au centre et restitue la musique dans le haut-parleur.
Exit le phonographe de maman et les 78 tours de Berthe Sylva, l’ère moderne est arrivée.
Hélène a travaillé tout l’été en tant qu’aide-monitrice. 42 jours de travail pour un salaire de 17 548 francs (anciens s’il vous plait !) mais malgré tout il va falloir rajouter ses petites économies.
Il ne lui faut pas moins de 19 900 francs pour acquérir ce tourne-disque Eden dont elle rêve.
Elle tergiverse encore sur la couleur lorsque pour la dixième fois, elle se rend devant la vitrine de M Lemaitre, le marchand de radios/électroménagers.
L’achat est prévu pour le lendemain soir après la sortie de bureau de son père qui l’accompagnera dans ce premier achat de valeur.
Hélène a revêtu sa belle robe à carreaux et fourré dans son sac à mains les liasses de billets nécessaires à sa dépense.
Cécile sa sœur de trois ans plus âgée est de la partie. Elle, a prévu d’investir dans un récepteur à 8 transistors, une autre innovation de cette fin des années 1950. Cet appareil de petite dimension et très léger lui permettra d’écouter ses émissions préférées partout où elle se déplacera.
Le trio investit la boutique et très sérieusement les deux sœurs font leurs choix sous les yeux fiers et attentifs du papa cravaté.
Elles ajoutent leurs deux premiers disques :
Gilbert Bécaud et Paul Anka.
Les filles rentrent ensuite rapidement à la maison où une petite table a été préparée pour accueillir l’électrophone. La machine est prestement déballée et branchée et la musique jaillit joyeusement du haut-parleur.
Paul Anka croone avec sa chanson Diana et les sœurs se mettent à swinguer sous les yeux ébahis du vieux tonton Théo.
Désormais Hélène transporte sa petite mallette tourne-disques chez les copines et le jeudi au bistrot du quartier. Elle est la seule de ses amies à posséder ce petit bijou portatif.
Les jeunes sirotent des grenadines et dansent la rumba, le manbo, la salsa, le cha-cha-cha ou le slow
Et puis c’est l’avènement de Johnny Hallyday avec son 45 tours :
Souvenirs, souvenirs
Hélène et Cécile suivent son actualité et en juin 1961 participent à son concert à l’Elysée Palace de Vichy. Johnny fête ce jour-là ses 18 ans dans les parcs de la ville d’eau.
La petite discothèque familiale ne cesse de s’enrichir, Bourvil, Dalida, Les compagnons de la chanson, Piaf, Fernand Renaud cohabitent avec Johnny.
Mais les disques vinyles restent des produits onéreux alors Hélène et Cécile achètent « Les disques du mois » chez leur marchand de journaux. Ce sont les plus grands succès du moment enregistrés par des chanteurs inconnus mais qui font le bonheur des jeunes filles.
Hélène s’est mise au jerk, au rock, au madison ou au twist avec les yéyés qui s’installent dans les postes de radios et les premières télévisions.
SLC SALUT LES COPAINS
Devenue jeune femme, Hélène déménage pour se marier.
Son électrophone est prêt lui aussi à vivre de nouvelles aventures.
A la fin des années 60, il tourne de plus belle pour raconter des histoires à ses enfants : Le petit poucet, Lucky Luke, Le chat botté, La chèvre de M Seguin.
Et puis imperceptiblement, le tourne-disque s’essouffle, les disques déraillent et la valise est un jour, reléguée, enfouie, oubliée dans un grenier .
Les enfants préfèrent désormais leur enregisteur à cassettes
avec micro incorporé.
A l’aube des années 80, le petit électrophone est définitivement remplacé pour une chaine haute-fidélité.
Bien des années se sont depuis écoulées et le tourne-disque des années 50 est de nos jours nommé vintage.
Nous avons eu la chance aujourd’hui, de l’entendre grésiller une dernière fois dans les souvenirs d’Hélène.
Je crois bien qu’elle se remet à danser !
Twist again
Donne-moi la main, là
Tu t'y prends bien
Continue comme ça