Isidore et la lutte sociale
Publié le 1 Mai 2016
Chaque 1er mai, je pense à mon arrière-grand-père qui selon la transmission familiale ne chômait qu’un jour par an, celui de la journée internationale des travailleurs.
Isidore est né en 1865 à Montluçon aux confins du Berry et du Bourbonnais
Ses parents anciens muletiers itinérants ont profité de la révolution industrielle pour se sédentariser dans le département.
Montluçon est une ville en plein essor industriel. Le canal du Berry permet de transporter le minerai de fer.
Fer et charbon du bassin houiller local donne naissance à l’industrie métallurgique et sidérurgique tandis que le sable et le calcaire du canal servent à l’industrie verrière et chimique.
La classe ouvrière nait avec l’industrialisation de la ville, les rythmes sont imposés par les machines, c’est l’ère de la taylorisation.
Les conditions de travail sont très dures, les journées sont de douze à quatorze heures, six jours sur sept et sans congés. Les conditions d’hygiène et de sécurité sont inexistantes, les salaires bas et il n’existe aucunes protections sociales.
Beaucoup d’ouvriers sont journaliers avec la peur du lendemain, toute journée chômée n’est pas rémunérée.
Les femmes, les enfants, les vieillards sont tenus de travailler pour faire vivre toute la famille.
C’est Germinal !
La population ne cesse de s’accroitre, elle est majoritairement jeune. De nombreux commerces, écoles, monuments publics s’implantent, la ville prospère repoussant les plus pauvres dans les faubourgs peu salubres. Les nouveaux quartiers sont bordés par le canal, la voie de chemin de fer et les usines. Isidore habite dans une petite maison ouvrière sans aucun confort et il n’a guère le temps de courir dans les collines plantées de vignes pourtant si proches.
Il n’a pas 8 ans lorsqu’il est contraint d’entrer à la mine pour pousser les wagonnets remplis de charbon puis à la verrerie où il assiste l’ouvrier souffleur en ouvrant et fermant les moules brulants.
Dans cette seconde moitié du 19ème siècle, les ouvriers se révoltent, se regroupent et s’organisent en mouvements sociaux. A force de coalisions et de sang versé, ils obtiennent peu à peu le droit de grève, l’inspection du travail, des lois pour protéger les enfants …
Ils instaurent une journée annuelle de grève, le 1er mai où ils défilent, un triangle rouge à la boutonnière pour symboliser leur revendication de la journée partagée en trois fois 8 heures (travail, sommeil, loisir).
Isidore devenu jeune homme est très impliqué, il œuvre avec ses camarades pour cette amélioration indispensable des conditions de travail et de vie plus humaines.
Un jour, à l’usine, il tombe amoureux d’Adélaïde, jeune ouvrière qui lui fait chavirer le cœur.
La mine et la verrerie
Quelques années plus tard, ils louent une charrette et leurs deux ainés sous le bras, ils s’éloignent de la ville devenue trop tentaculaire. Ils partent s’installer à la campagne où à l’aide d’un petit héritage, ils acquièrent un fonds de commerce de journaux/librairie dans une petite cité minière (c’est là que ma grand-mère est née…).
Les forces ne leur manquent pas, ils travaillent sans trêve pour faire prospérer leur affaire.
Les valeurs d’Isidore n’ont jamais changé, il continue d’œuvrer au conseil municipal de son village et gardera sa vie durant des idées sociales avancées.
Chaque année, fidèle à ses revendications, il ne travaille pas pour le 1er mai. Il faudra néanmoins attendre l’entre-deux guerres pour obtenir la journée de 8 heures.
Le 1er mai devient alors la journée où
les travailleurs célèbrent leurs luttes sociales.
Illustrations, CPA Delcampe